Publié le 16 août 2024

Fin juin, Carrefour a inauguré son premier discounter “cash & carry” à Aulnay-sous-Bois. Un concept peu développé en France, qui répond à une forte demande des consommateurs encore très inquiets des effets de l’inflation. Mais l’ultra hard discount peut-il être éthique ?

82% des Français arpentent régulièrement les allées des discounters. Le phénomène, qui découle directement du contexte inflationniste selon une étude menée par Havas Commerce au printemps 2024, touche aujourd’hui toutes les classes d’âge et tous les niveaux de revenus. Un changement majeur dans les habitudes de consommation auquel tente de s’adapter Carrefour. Le 20 juin dernier, le distributeur a officiellement lancé son offre à très bas prix en France sous l’enseigne Atacadao, sorte de “Lidl sous stéréoïde”, décrit avec humour le média 20 minutes.

Implanté à Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, ce premier magasin d’ultra hard discount est un “pari” selon les mots d’Alexandre Bompard, PDG du groupe Carrefour, présent lors de son inauguration. L’objectif : “proposer aux consommateurs français le format qui défend le mieux le pouvoir d’achat des ménages”, explique-t-il. Atacadao propose en effet de la vente en gros, aussi appelée “cash & carry”, à des prix dégressifs selon la quantité de produits achetés.

Produits frais et circuits courts

Ce modèle “hybride” s’adresse aux professionnels mais également aux particuliers, notamment “les familles dont le panier moyen s’élève à 90€”, rapporte auprès de Novethic Yves Marin associé au sein du cabinet Bartle et expert de la distribution. Si l’enseigne fait ses premiers pas dans l’Hexagone sous le regard attentif des acteurs du retail, elle a déjà fait ses preuves au Brésil où elle est largement déployée avec plus de 360 magasins représentant les deux tiers du chiffre d’affaires de Carrefour dans le pays.

Derrière ce succès : des prix cassés. En France, les références proposées par Atacadao seront “10% à 15% moins chères que le prix du marché”, fait valoir Alexandre Bompard, cité par nos confrères du Monde. La sélection se veut pour autant variée avec des grandes marques, du frais, des fruits et légumes et “des centaines de produits bio”, garantit Carrefour. En outre, “70% de nos produits sont d’origine française, nous écrit le distributeur par retour de mail. Nous avons aussi voulu valoriser les produits en circuit-court pour promouvoir une alimentation saine et durable”.

Une telle offre peut-elle être compatible avec le modèle prôné par le discounter, sans augmenter la pression sur les fournisseurs ? Pour faire baisser les prix, Atacadao affirme s’appuyer sur plusieurs leviers, notamment logistiques. “Tout ce qui pourrait être considéré comme superflu est retiré”, note Olivier Salomon, expert de la grande distribution pour le cabinet Alix Partners, interrogé par Novethic. L’enseigne réduit par exemple ses coûts de distribution en faisant livrer les produits directement en magasin. L’aménagement des rayons, où certains articles sont présentés à même les palettes, ou les faibles investissements publicitaires sont également mentionnés par la marque.

Economies d’échelle

“Le fait d’avoir une structure de coût la plus légère possible leur permet d’être à l’équilibre en ayant des marges plus faibles”, analyse Olivier Salomon. Un autre mécanisme consiste à proposer un assortiment réduit à 20 000 références, contre 70 000 dans un magasin équivalent, tout en massifiant les achats. “Avoir des fraises toute l’année, ça a un coût, donne pour exemple Olivier Salomon. En n’achetant un produit que quand il est disponible en quantité, Atacadao est capable d’obtenir des prix bas”.

Reste à savoir si les petits producteurs pourront suivre, quelques mois après la crise agricole qui a marqué le début de l’année 2024. “Pour faire des prix bas, difficile d’imaginer qu’ils vont se fournir auprès des producteurs locaux ou en circuit court. S’il faut faire des économies d’échelle, ça risque plutôt d’être un débouché pour la production industrielle”, estime par ailleurs Marie Mourad, sociologue spécialiste du gaspillage alimentaire, interrogée par Libération. Du côté des consommateurs, encore peu habitués à ce type de modèle, l’incertitude plane également. “C’est un test pour Carrefour”, rappelle Olivier Salomon. Un premier bilan sera tiré dans six mois a fait savoir le distributeur, qui planifierait d’ores et déjà de nouvelles ouvertures.

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