Publié le 7 juin 2024

Duralex va-t-il devenir une société coopérative ? Un projet de Scop, société coopérative détenue par les salariés, vient d’émerger pour reprendre la mythique verrerie Duralex placée en redressement judicaire. Quatre offres en tout sont sur la table mais la moitié des salariés ont déjà annoncé leur soutien à la Scop. Reste à convaincre de la solidité du projet.

Ils étaient nombreux mercredi 5 juin après-midi devant le tribunal de commerce d’Orléans. Munis de banderoles, des représentants de la CGT notamment – plus de 180 selon le syndicat – ont manifesté leur soutien aux 227 employés de Duralex. L’entreprise est en redressement judiciaire depuis fin avril. La veille, le comité social d’entreprise (CSE) avait reçu quatre lettres d’intention pour une possible reprise du site. Le tribunal a accordé aux potentiels repreneurs un délai supplémentaire de trois semaines pour parfaire leur dossier.

Un soulagement pour Sallham Essalhi, délégué syndical Force Ouvrière de l’entreprise française. “C’est un très bon choix du tribunal”, confie-t-il à Novethic. Quelques jours plus tôt, le ministre de l’Industrie, Roland Lescure avait reconnu sur France Inter avoir reçu “quelques marques d’intérêt” pour Duralex mais “rien encore d’assez solide”. “On travaille pour essayer de susciter des offres sérieuses”, avait-il déclaré. Et de poursuivre : “Je ne veux pas de chasseur de prime qui vient faire un petit tour et puis s’en vont”.

“Je pense qu’il faut essayer, on n’a plus rien à perdre de toute façon”

Car chez Duralex, l’histoire se répète. En 30 ans, la société a vécu un dépôt de bilan en 2004, une liquidation judiciaire en 2008 et un redressement en 2020. Malgré sa reprise par Pirex en 2021, la voilà de nouveau en difficulté. D’où l’idée portée par l’actuel directeur et par les représentants syndicaux de proposer un projet de Scop, une société coopérative et participative. “La différence avec une entreprise classique, c’est la gouvernance. L’entreprise appartient à ses salariés et chacun détient une voix pour chaque décision prise, sans condition”, indique à Novethic Vincent Javicoli, directeur de l’Union régionale des Scop et Scic d’Île-de-France (URSCOP ICD).

L’association aide justement à la création et à l’accompagnement de Scop. Elle a ainsi été sollicitée pour guider les volontaires chez Duralex. “On les aide à construire le projet sur le plan économique, sur le plan financier, on les accompagne sur les aspects de gouvernance… “, explique Vincent Javicoli. En seulement trois semaines, 130 salariés sur les 227 ont annoncé soutenir le projet de Scop et disent être prêts à mettre 500 euros chacun.

“Je pense qu’il faut essayer, on n’a plus rien à perdre de toute façon”, tranche Suliman El Moussaoui, délégué syndicat CFDT et salarié de Duralex depuis 17 ans. “Certains salariés ont déjà vécu 4 redressements judiciaires. Les repreneurs viennent pour faire leur culbute, ils prennent les aides de l’Etat et s’en vont. Nous on connaît les forces et les faiblesses de notre entreprise. On sait ce qu’on doit faire”, résume-t-il. “On est attaché à Duralex, à notre outil de travail, on peut le préserver”.

Ces préjugés qui collent aux Scop

Le projet de Scop a reçu le soutien de plusieurs élus de la région mais devra encore convaincre le reste des salariés et les représentants FO et CGT notamment. “Nous sommes le projet le plus viable pour les ouvriers avec une reprise de tous les salariés”, défend Sallham Essalhi. Selon une source syndicale interrogée par l’AFP, seule la Scop aujourd’hui permettrait de “reprendre tous les actifs sociaux et maintenir l’ensemble des 227 emplois”. Les trois autres offres sur la table sont confidentielles mais il s’agirait de deux banques et d’un fonds d’investissement.

Le gouvernement a assuré être prêt à accompagner Duralex si une “offre de reprise solide émerge“. Or les Scop souffrent aujourd’hui de préjugés, estime Vincent Javicoli. “Une des plus grandes Scop de France, c’est la société de câblage Acome. Elle a des milliers de salariés et ça marche très bien”, assure-t-il. “On peut prendre le contre-pied et se demander plutôt si un groupe financier dont le but est d’augmenter les dividendes au détriment de l’outil industriel fonctionne ?”. L’avenir de Duralex et de ses salariés devrait être scellé le 17 juillet prochain lors de la nouvelle audience prévue par le tribunal de commerce d’Orléans. En attendant les soutiens se multiplient pour préserver l’entreprise, symbole du Made in France et fleuron du patrimoine depuis sa création en 1945.

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