Publié le 3 juin 2024

En négociation depuis janvier avec le groupe sud-africain de télévision Multichoice, Canal+ est en passe de finaliser son acquisition ce qui lui donnerait une position clef en Afrique où Vincent Bolloré tente d’influencer le jeu politique toujours plus complexe. Les élections législatives sud-africaines témoignent de la montée d’un populisme qui dénonce les carences des infrastructures et de l’éducation et de courants identitaires comme dans d’autres démocraties.

Les législatives en Afrique du Sud dont les résultats ont été publiés le 2 juin mettent fin à la domination de l’ANC, le parti fondé par Nelson Mandela qui gouvernait sans partage depuis la fin de l’apartheid. Le président sortant Cyril Ramaphosa va devoir monter une coalition dont la composition reste inconnue. La situation est complexe. Le parti historique a perdu 17 points depuis les dernières élections en grande partie à cause du chômage massif et des infrastructures défaillantes, en particulier celles qui doivent produire de l’électricité. Le grand plan d’investissement en faveur des énergies renouvelables n’a toujours pas permis de réduire les très nombreuses coupures de courant et d’eau.

Les 27 millions d’électeurs appelés aux urnes ont protesté en soutenant des formations d’opposition. L’Alliance Démocratique, principal parti d’opposition dont le leader blanc, John Steenhuisen, a porté une liste qui incarne la "nation arc en ciel", est la seconde force du pays avec plus de 20% des voix. Elle propose d’améliorer la gestion du pays et de ses infrastructures mais ne pourra gouverner seule. A l’opposé, on trouve l’ancien président Jacob Zuma, évincé pour cause de corruption massive. Il a refait campagne à 82 ans et son parti MK a fédéré le vote identitaire zoulou ce qui lui a permis de devenir la troisième force du pays. Ennemi juré du président actuel, il devrait tout faire pour éviter sa réélection à la tête du pays.

Multichoice, pièce maîtresse de la stratégie de Canal+

C’est dans ce contexte que Canal+ doit prendre le contrôle du principal groupe de télévision du pays, Multichoice. L’accord doit être signé dans les jours qui viennent à l’issue de quatre mois de négociations compliquées. Le groupe français toujours sous l’influence de Vincent Bolloré a dû réévaluer son offre. Multichoice est une pièce maîtresse de sa stratégie qui capitalise sur le continent africain pour contrecarrer la puissance des géants américains dans le domaine du "soft power". Canal+ affirme sa présence dans 25 pays africains au travers de 16 filiales où il compte 8 millions d'abonnés.

Déjà premier actionnaire du géant sud-africain, il a ainsi pu prendre pied sur les marchés d’Afrique anglophone et lusophone. Le groupe de télévision sud-africain, avec ses 23,5 millions d'abonnés dans plus de 50 pays, est une belle prise et la nouvelle entité créée par le rachat sera cotée à la bourse de Johannesburg. Elle constitue un atout supplémentaire pour le projet de scission du groupe Vivendi en quatre entités dont Canal+. A son assemblée générale le 30 avril dernier, la chaîne sud-africaine a été mise en avant comme un élément fort du groupe Canal+ qui doit devenir une entreprise cotée à part entière avec un chiffre d’affaires de plus de 6 milliards d’euros en 2023.

Une ambition culturelle internationale

En janvier 2022 auditionné au Sénat par la Commission d’enquête parlementaire sur la concentration des médias, Vincent Bolloré avait mis l’accent sur son combat culturel pour une alternative française aux géants américains du divertissement, d’Apple à Amazon en passant par Disney. S’il avait insisté sur la modestie de son empire, il avait clairement mentionné son ambition culturelle dont les Français peuvent avoir une idée à travers les messages diffusés par ses différents médias dont CNews et Europe 1.

En Afrique, l’idée est d’apparaître comme l’incarnation du slogan du groupe Vivendi : "un leader mondial de la culture, du divertissement, des médias et de la communication dont l’empreinte se déploie à travers le monde. Une force globale d’inspiration locale" ! Multichoice est un des poids lourds de la production de contenus africains produits sur le continent qui attirent les abonnés. La fusion devrait permettre de renforcer cette stratégie que n’a pas son principal concurrent Netflix. Le réseau américain ventile ses 282 millions d’abonnés en quatre zones dans le monde, l’Afrique n’étant qu’un sous élément de sa présence en "EMEA" (pour Europe, Moyen Orient et Afrique) et il pèse peu.

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