Une mode française abordable, est-ce vraiment possible ? La marque tricolore de sous-vêtements Le Slip Français veut y croire. Début avril, l’entreprise a annoncé la mise en vente d’une nouvelle gamme “accessible au plus grand nombre”. Deux références, un caleçon et un slip, ont rejoint de manière pérenne le catalogue de l’enseigne au prix de 25 euros, contre environ 40 euros pour ses modèles les plus onéreux, soit une réduction de 40%.
Le Slip Français n’en est pas à son coup d’essai. En 2023, la marque avait déjà réduit ses tarifs sur 50 000 produits, via un système de précommande. Un test qui a poussé l’entreprise à aller un cran plus loin. Cette année, elle va ainsi engager la fabrication de 400 000 sous-vêtements, contre 5 000 à 10 000 par gamme habituellement. “Produire à grande échelle nous permet de massifier les achats de matières premières et d’industrialiser le montage des produits”, indique à Novethic Guillaume Gibault, fondateur du Slip Français. Le design des modèles a également été simplifié, tout comme certaines opérations comme les broderies, sans “aucune concession sur la qualité” assure l’enseigne.
Le prix, premier critère d’achat
L’objectif est double : réduire les coûts pour proposer une nouvelle gamme “accessible à une majorité de Français”, mais aussi relancer une industrie en grande difficulté. Depuis plusieurs mois, le secteur de l’habillement souffre en effet de multiples faillites. D’après les chiffres de l’Institut de la mode française (IFM), plus de 700 points de vente de chaînes indépendantes ont mis la clé sous la porte en 2023, tandis que les ventes ont globalement reculé de 1,3% sur l’année. Le segment du made in France, lui, ne représente que 3% des quantités achetées et peine à survivre.
En cause, notamment, la baisse de pouvoir d’achat des ménages. “En période d’inflation, l’habillement devient une variable d’ajustement”, confirme à Novethic Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire économique de l’IFM. Selon une enquête du réseau des Chambres de Commerce et de l’Industrie (CCI) réalisée en octobre 2023, si 89% des consommateurs interrogés assurent vouloir consommer plus de produits fabriqués dans l’Hexagone, 67% affirment que l’inflation a un impact sur leurs décisions d’achats. 80% des Français placent par ailleurs le prix en haut des critères les plus importants, devant la qualité, la durée de vie ou le pays de fabrication.
Perte de repères des consommateurs
Un contexte économique d’autant plus complexe que les nouveaux géants de la mode rapide à l’instar de Temu, exercent une pression constante sur les prix, au détriment entre autres, des conditions de production. Difficile alors pour les acteurs du made in France de lever les freins à l’achat, alors que “90% du coût du produit réside dans la main d’œuvre” selon Guillaume Gibault. “Il y a une perte de repères chez le consommateur sur le prix légitime d’un vêtement avec la montée en puissance des soldes, ou plus récemment l’arrivée de Shein et Vinted”, ajoute Gildas Minvielle.
Alors, baisser les prix est-il un passage obligé pour convaincre les consommateurs ? Si la tendance s’observe pour une partie des enseignes françaises ou non, comme Gentle Factory, Princesse Tam-Tam ou Comptoir des cotonniers rapporte Le Monde, d’autres acteurs font au contraire le pari de monter en gamme pour se démarquer note Gildas Minvielle. Du côté du Slip Français, “c’est indispensable, mais ce n’est pas tant une baisse de prix que de retrouver un prix de marché”, estime Guillaume Gibault. “Dans le contexte économique actuel, il faut prendre le taureau par les cornes pour trouver des solutions, même si cela induit des risques”, conclut-il.