Drôle d’ambiance à la huitième édition du Climate Finance Day (CFD) avec un dispositif de sécurité maximal, action des ONG oblige !
Elles ont réussi à perturber l’agenda du matin. Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des finances, a finalement envoyé une vidéo et Catherine McGregor, la directrice générale d’Engie, ainsi que Frédéric Oudéa, le PDG de la Société Générale, qui devaient parler ensemble énergie, ont tourné les talons. Le CFD, organisé depuis mai 2015, est l’événement phare destiné à cristalliser le rôle de la capitale française sur la finance durable. Bruno Le Maire a rappelé qu’il souhaitait que Paris soit la capitale mondiale de la finance verte, un vœu partagé par Paul Simondon, adjoint d’Anne Hidalgo chargé des finances, du budget et de la finance verte qui représentait la Ville de Paris à la tribune.
C’est loin d’être gagné ! Selon le classement du Green Finance index dont la dixième édition a été publié le 27 octobre, le quatuor de tête mondial est composé, dans l’ordre, de Londres, Amsterdam, New-York et Luxembourg, les deux dernières ayant progressé de deux places depuis 2021. En revanche, Paris pointe au 14ème rang et a reculé de trois places en un an.
Déclin du rayonnement international de Paris
Le déclin de son rayonnement international ne devrait pas s’inverser avec l’abandon de la marque Finance For Tomorrow au bénéfice d’un Institut de la Finance Durable dont Yves Perrier, vice-président de Paris Europlace, a officialisé la création. Ce choix a été validé par le Conseil d’administration de l’organisation malgré le sondage réalisé auprès des membres de l’initiative qui souhaitaient, à 80 %, conserver la marque Finance for Tomorrow lancée en 2018.
Il existe déjà un Institut de la finance durable, au Québec. Mais Yves Perrier, qui est aussi président d’Amundi, a expliqué que ce nom était le plus approprié pour déployer une nouvelle stratégie visant à définir les trajectoires climat les plus adaptées pour les secteurs carbo-intensifs, en associant mieux les entreprises aux démarches des investisseurs. Il a ainsi tourné la page des engagements sur le climat des acteurs financiers qui ont fait les grandes heures du Climate Finance Day, pour ouvrir “celle des réalisations” sur lesquels les observateurs espèrent obtenir rapidement plus de précision, en termes de méthode et de trajectoires climat basées sur la science ou pas.
Le nouveau projet se fera sans Thierry Déau, qui avait été reconduit pour deux ans à la tête de Finance for Tomorrow en janvier 2022. Il vient d’annoncer sa démission de la présidence de l’association à ses membres. Il en a profité pour rappeler l’importance, pour la finance durable, de ne pas se limiter à la mesure des émissions de gaz à effet de serre, mais bien de prendre en compte l’ensemble des thématiques environnementales.
Est-ce une feuille de route que le nouvel Institut de la finance durable suivra ? Plusieurs observateurs se posent la question. Reclaim Finance, ONG autorisée à entrer au Climate Finance Day, a regretté sur Twitter l’absence de communication sur l’ambition et la gouvernance de l’Institut de la finance durable. Elle se demandait “s’il était missionné pour mettre un coup de frein à la transformation de la finance, comment seraient représentés les industriels et si les ONG seraient ou non consultées ?”
Ce qu’il reste sept ans après la COP21
Ceux qui attendaient des annonces sur la refonte du label ISR ont été déçus. Bruno Le Maire, dont le ministère est propriétaire du référentiel, s’est contenté de dire qu’il voulait en rehausser l’ambition, sans préciser ni le calendrier ni la nature de cette ambition.
Intitulée “Solutions pour un avenir durable”, la huitième édition du Climate Finance Day était à l’image de la finance durable sept ans après la COP21. Chacun aimerait croire que les solutions ont déjà été trouvées et sont en cours de déploiement par tous les acteurs financiers. Mais la réorientation des flux financiers reste à venir et beaucoup de ces acteurs s’interrogent sur le fait même de garder leurs engagements de neutralité carbone face à l’ampleur de la tâche pour atteindre l’objectif !
Le premier slogan de Finance for Tomorrow était “Shifting the trillions”. Pas besoin de traduire pour comprendre que le message de la première vidéo de l’initiative lancée en 2018 n’est plus d’actualité.■