Une bonne nouvelle environnementale qui aura été de courte durée. Le 20 août 2023, 59% des Équatoriens se sont exprimés en faveur de l’arrêt des forages pétroliers dans le Bloc 43, ce gisement emblématique de la réserve amazonienne de Yasuni, dans l’est du pays. Six mois plus tard, le nouveau président Daniel Noboa, pourtant favorable, a décidé de revenir sur cette décision avec l’ouverture d’un moratoire pour prolonger d”au moins un an” le délai pour cesser l’exploitation. Le démantèlement des infrastructures était prévu pour août 2024.
“Nous sommes en guerre, nous ne sommes pas dans la même situation qu’il y a deux ans”, a déclaré Daniel Noboa dans une interview accordée à la télévision locale, le 21 janvier dernier. Pour le chef de l’État, “nous avons réussi à arrêter ce qui était une avalanche de violence et de destruction (…) Il est nécessaire que cela s’accompagne d’une augmentation des revenus jusqu’à ce que cette période clé soit passée, et si nous ne la combattons pas ou si nous ne la finançons pas, nous perdrons le pays”.
#ENTREVISTA | Daniel Noboa sobre el Yasuní ITT: “Creo que la moratoria es un camino viable, estamos en guerra”. https://t.co/Z0yShkaHMv pic.twitter.com/qvq2LimpwS
— Teleamazonas (@teleamazonasec) January 22, 2024
Le pétrole, une manne financière pour lutter contre le narcotrafic
Situé entre la Colombie et Pérou, les deux plus grands producteurs de cocaïne, l’Équateur est aujourd’hui la plaque tournante de ce trafic. Premier point d’exportation de cette poudre blanche dans le monde, ce petit pays de 16 millions d’habitants est devenu, ces dernières années, le théâtre de luttes sanglantes entre les narcotrafiquants. En l’espace de six ans, le nombre d’homicides a été multiplié par huit, selon les chiffres de la police équatorienne. Et c’est pour mettre un terme à cette violence et à l’insécurité que Daniel Noboa, 35 ans, a été élu président le 15 octobre dernier, au terme d’une campagne présidentielle endeuillée par l’assassinat de l’un des candidats. Quitte à bafouer l’une de ses promesses électorales, celui de réduire la dépendance du pays aux énergies fossiles.
Pour financer cette “guerre” contre le crime organisé, ce dernier a estimé qu’il faudrait plus d’un milliard de dollars. Mais cette somme est absente des caisses de l’État, d’où la volonté du président équatorien de se tourner à nouveau vers l’extraction pétrolière et plus précisément vers celle du bloc 43. Car le gouvernement sortant avait estimé, au moment du référendum, les pertes financières pour l’exploitant Petroecuador à 16,47 milliards de dollars (15 milliards d’euros, NDLR) sur 20 ans et de 1,2 milliard de dollars par an pour l’État après l’arrêt de l’exploitation de ce bloc, qui comprend les champs d’Ishpingo, de Tambococha et Tiputini (ITT). À lui seul, ce gisement représentait près de 12 % des 466 000 barils produits par jour en Équateur.
Une mise en danger de la démocratie
Pour les associations environnementales et de représentants de peuples autochtones, c’est un énorme camouflet. La présidente de la Fondation Pachamama, Belèn Paez, a déclaré que la situation “est très dangereuse à plusieurs égards, car elle va à l’encontre de la décision des citoyens et met la démocratie en danger”.
#Video 📲
Emergencia Territorial en el #Yasuní: La Nacionalidad Waorani del Ecuador exige respeto a la voluntad popular y justicia ambiental 🌳
➡ Video elaborado por @mullu_tv @confeniae1 @coicaorg @FPachamama_Ec @Yasunidos pic.twitter.com/4Zl9WaPqDX
— Cuencas Sagradas (@CuencasSagradas) February 5, 2024
Un point sur lequel insiste également le porte-parole Yasunidos, coalition d’ONG d’indigènes d’Amazonie pour qui cette déclaration est “inquiétante, imprudente et antidémocratique”. “Si la volonté populaire n’est pas respectée, alors la Cour Constitutionnelle devra destituer le Président de la République”, avertit Pedro Bermeo. Il note par ailleurs qu’au moment du référendum, l’Équateur était déjà confronté à la violence et à l’extrême pauvreté, une situation qui n’a pas empêché une majorité d’Équatoriens de voter pour garder le pétrole dans le sol.
Reste à savoir si la pression des ONG sera assez forte pour que le Président garde son cap initial et stoppe l’exploitation pétrolière du parc Yasuni, l’une des zones les plus riches en biodiversité de l’Amazonie. Depuis l’annonce de la possibilité d’un moratoire, le président équatorien n’a plus évoqué cette idée, bien que plusieurs membres du gouvernement aient affirmé que cela restait une possibilité. Une situation qui illustre bien les difficultés d’un monde en “permacrise”.