TotalEnergies a réalisé près de 20 milliards de profits en 2023, son record historique, et les actionnaires reçoivent un dividende qui a augmenté de 7%, a annoncé Patrick Pouyanné, le PDG de la major, lors de la présentation de ses résultats annuels le 7 février. La bonne santé financière de TotalEnergies repose sur une augmentation de la production pétrolière de 4% entre 2022 et 2023. Patrick Pouyanné qui devrait entamer son quatrième mandat à la tête du groupe, a précisé qu’elle continuerait à augmenter de 2 à 3% par an pour “répondre à la demande”.
L’ancien leader de son secteur sur la transition énergétique conteste la recommandation de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) pour qui il faut arrêter tout nouveau projet d’exploration fossile afin de respecter l’objectif de l’Accord de Paris, +2 degrés à la fin du siècle. Sa stratégie est financièrement payante puisque la valeur boursière de TotalEnergies a augmenté de 22% en cinq ans ans, mais elle est très coûteuse climatiquement parlant. Le groupe français est partie prenante de 33 projets d’exploration baptisés par les ONG de bombes climatiques parce qu’ils contribuent à aggraver le changement climatique.
La tendance est à la remise en cause
Dans la présentation des résultats financiers du groupe, la production de gaz GNL se taille la part du lion ainsi que les développements au Texas, Etat républicain qui milite activement contre toutes les démarches d’exclusion des énergies fossiles par les financiers. Le seul objectif qui n’est pas atteint en 2023 par TotalEnergies concerne les énergies renouvelables. Elles ont produit 19 térawattheures (TWh) d’électricité verte 20 prévus. Pour Patrick Pouyanné, le cap est maintenu. Il veut rester le premier investisseur français dans les énergies bas-carbone selon sa terminologie qui doivent en 2030 représenter 100 gigawatts. Cela inclut sous la même bannière l’éolien, le solaire mais aussi les centrales électriques à gaz. C’est l’énergie fossile que TotalEnergies considère comme un passage obligé vers la transition, d’où son très fort investissement tous azimuts dans des projets de GNL.
La bataille fait rage sur les objectifs climat des grandes compagnies pétrolières dont Total Energies. La tendance est à la remise en cause. Poussées à prendre en compte le changement climatique par des investisseurs qui avaient eux-mêmes des engagements dans ce domaine, le secteur pétrolier et gazier était en perte de vitesse boursière en 2020 et 2021. Cette année l’Assemblée générale d’Exxon avait été considérée comme un tournant historique de la pression exercée par les actionnaires pour que le champion du climatoscepticisme change de politique. Mais la guerre en Ukraine a changé la donne et relancé comme jamais les énergies fossiles sur les marchés financiers. Du coup une action d’Exxon vaut trois fois plus cher en 2024 qu’en 2021.
Menace juridique
La compagnie américaine se sent pousser des ailes et a même attaqué en justice au Texas le projet de résolution climat que voulait déposer l’ONG néerlandaise Follow This avec l’un de ses actionnaires Arjuna Capital pour lui demander de varier son mix énergétique afin de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. La menace juridique a fonctionné et le projet de résolution a été retiré par ses auteurs le 2 février dernier. Cela traduit la détérioration des rapports entre entreprises pétrolières, actionnaires et défenseurs du climat dont les assemblées générales de 2023 ont déjà été le théâtre.
Le cas de BP est encore plus inquiétant. L’un de ses actionnaires, Bluebell Capital a écrit une lettre au dirigeant du groupe britannique pour lui demander de supprimer sa politique de réduction de la production de gaz et de pétrole au motif qu’elle priverait de revenus les actionnaires du groupe. Le dirigeant de BP a exprimé son désaccord sur le principe mais annoncé des profits plus importants que prévu de plus de 13 milliards de dollars qu’il a voulu d’abord redistribué à ses actionnaires. L’ONG Global Witness a aussitôt condamné. Pour elle, “les actionnaires devraient vouloir protéger leurs investissements à long terme ce qui signifie exiger une transition rapide vers une énergie propre de BP. Ces paiements irresponsables aux actionnaires ont l’effet inverses”.