Le Nasdaq, l’indice boursier de Wall Street spécialiste de la technologie, a augmenté de 40% en un an. Les sept valeurs phare qui poussent les marchés financiers vers de nouveaux sommets sont Apple, Microsoft, Meta, Nvidia, (producteur de puces et de cartes graphiques indispensables à l’IA), Alphabet (maison mère de Google), Amazon et Tesla. Les quatre premières battent record sur record, mais la plus spectaculaire reste Nvidia avec une augmentation de 233% de sa valeur boursière en un an. Californienne elle est entrée dans le club fermé des entreprises valorisées plus de 1000 milliards de dollars, en mai 2023. Elle le doit au succès mondial de Chat GPT car ses puces permettent d’accélérer les capacités de calcul des machines sur lesquelles elles sont installées et facilitent l’utilisation des versions de plus en plus gourmandes des nouvelles versions de Chat GPT.
L’IA est devenue la nouvelle ensorceleuse des marchés financiers. Ses promesses semblent infinies pour des acteurs économiques qui voudraient renouer avec les envolées des premiers pas de la tech qui ont conduit à numériser la société et à des valorisations pharamineuses. C’est pour cela qu’elle est la star des débats au Forum de Davos. Son messie, le PDG d’Open AI, Sam Altman, a été accueilli comme une rock star. Alors que la mondialisation bat de l’aile, le nouvel eldorado des gains de productivité serait l’IA qui pourrait, d’ici 2030, générer jusqu’à 4000 milliards de dollars d’économie dans les coûts de production ! Il y a six ans on pensait que ce serait quatre fois plus.
Un prix environnemental considérable
Quel qu’en soit le montant, à quel prix environnemental et social seront obtenus ces gains de productivité ? Sur le plan environnemental, Chat GPT peut être assimilé à une “bombe climatique”. Selon une étude danoise, si 3 milliards de personnes utilisent sa version 4, les besoins en énergie que cela représente conduiraient à l’émission d’un milliard de tonnes de CO2. C’est une des rares simulations disponibles car, depuis le dernier trimestre 2023, les principaux concepteurs d’AI surperforment en bourse en ayant cessé de publier des informations sur la consommation énergétique de leurs data Center.
Sur le plan social, certaines études prédisent que l’IA va permettre de remplacer un quart des emplois actuels. Pour que cela ne soit pas accompagné de disparition massive de postes, il faudrait former intensivement les salariés à des ruptures dans l’organisation actuelle du travail du même ordre que la digitalisation de l’économie. Autre préoccupation, l’IA a tendance à renforcer les inégalités. À Davos, certaines voix se sont élevées pour alerter sur le fait qu’elle est développée quasi-exclusivement par les pays occidentaux riches et qu’elle contribue à accroître les inégalités. Mais les débats sur la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI) comme facteur puissant de déstabilisation sont passés de mode à Davos. On ne parle pas plus DEI qu’ESG face à la montée du vote Trump et aux menaces juridiques des gouverneurs républicains qui adoptent des lois anti-ESG.
C’est devenu un concept dont on ne prononce pas le nom à Davos. Depuis trois ans, BlackRock incluait dans ses priorités d’engagement le scenario visant à maintenir en dessous de 2°C le réchauffement climatique. La mention a disparu cette année. La pression judiciaire a fait son œuvre. Il semble donc à nouveau possible avec l’IA pour les marchés financiers de s’affranchir des catastrophes environnementales et de la déstabilisation sociale qu’elles entraînent pour miser sur une croissance financière de plus en plus abstraite et de plus en plus technique. Le dernier pari de ce type s’est terminé par la crise majeure de 2008 !■