Avec l’intensification de la réglementation en matière de transparence environnementale, et notamment la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), de plus en plus d’entreprises vont être amenées à publier des plans de transition climat, dans lesquels elles devront rendre publiques leurs objectifs et leurs stratégies climatiques. Or, selon Reclaim Finance, qui vient de produire un rapport à ce sujet, ces plans de transition climat sont associés à un risque fort de greenwashing.
L’ONG a ainsi passé en revue 26 cadres variés (des normes de reporting ISSB jusqu’aux méthodologies SBTi) traitant des questions climatiques et pouvant servir pour la rédaction des plans de transition climat et constate la grande hétérogénéité de ces référentiels. Elle regrette notamment des méthodologies pas toujours rigoureuses, et des mauvaises pratiques : données d’émissions de gaz à effet de serre incomplètes, objectifs mal définis ou plans d’action pas assez détaillés et ambitieux.
Plans de transition climat : clarifier le flou et éviter le greenwashing
Parmi les méthodologies analysées, on trouve notamment les plus connues : Science Based Target Initiative (SBTi), Glasgow Financial Alliance for Net Zéro, We Mean Business Coalition, International Sustainability Standard Board, Carbon Disclosure Project… Mais en plus de ne pas s’accorder sur les méthodologies et les lignes directrices, ces cadres, souvent définis par les acteurs du secteur privé eux-mêmes, sont de plus en plus controversés. On peut ainsi citer la SBTi, accusée plusieurs fois ces derniers mois d’avoir validé des plans de transition pourtant incompatibles avec les objectifs climatiques. Une absence de cadre clair et rigoureux qui fragilise la portée des plans de transition climat.
Paul Schreiber, Senior Policy Advisor à Reclaim Finance va même plus loin : “l’absence de normes communes et de contrôles des plans de transition laisse la porte grande ouverte à ceux qui souhaitent en faire de simples outils de greenwashing.” Pour empêcher les entreprises d’utiliser leurs plans de transition pour verdir leur image sans s’engager réellement dans un processus global de baisse de leurs émissions, l’ONG plaide pour l’établissement d’un cadre et de critères plus stricts pour l’élaboration des plans.
Définir les critères d’un plan de transition climat solide
Elle donne les pistes pour mettre en place un plan de transition climat solide. En premier lieu, il doit contenir des objectifs de décarbonation ambitieux alignés avec les objectifs climatiques et basés sur l’analyse des émissions incluant le scope 3 et sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’organisation. L’ONG recommande également de ne pas intégrer les éventuelles compensation carbone aux cibles de court et de moyen terme, ce qui induirait une confusion entre réduction des émissions et compensation. La stratégie décrite dans le plan doit aussi être cohérente, notamment en matière d’adéquation des financements avec les objectifs affichés, ainsi qu’en matière de renoncement aux énergies fossiles et aux activités polluantes. Elle doit intégrer l’ensemble des parties prenantes, mais aussi comprendre un système de reporting et de gouvernance permettant de suivre les évolutions et les progrès réalisés. Enfin, le plan doit être transverse, et inclure la prise en compte des enjeux de transition juste et de biodiversité, indissociables de la problématique climatique.
Selon Reclaim Finance, le fait pour un plan climat de ne pas être fondé sur ces grands critères, devrait être identifié comme une forme de greenwashing. Et l’enjeu est essentiel : le dernier rapport du Carbon Disclosure Project montrait ainsi que seulement 0,5% des entreprises qui s’étaient dotées de plans de transition climatique fournissaient les données nécessaires pour évaluer correctement ces plans. Les critères les plus essentiels étaient d’ailleurs les moins bien détaillés dans les plans climatiques des 18 000 entreprises étudiées. Stratégies de financement, cibles et objectifs, ou encore engagement de la chaîne de valeur sont régulièrement oubliés. Avec la multiplication des publications de plans de transition, beaucoup d’entreprises risquent de se contenter de ces reporting minimalistes et contre-productifs. ■