#caniculemoncul #secheressemoncul #changementclimatiquemoncul… Ces hashtags (mots-clefs, ndlr) ont fleuri ces derniers jours sur les réseaux sociaux car une large partie nord du pays vit un été plutôt frais et pluvieux, digne d’un début du mois d’octobre. Et il n'en fallait pas beaucoup plus pour que certains remettent en question le changement climatique.
Comme un véritable serpent de mer, ces remarques climatosceptiques reviennent dès que les températures sont anormalement basses. Or il s’agit d’une erreur classique : celle de confondre tout simplement la météo et climat. Pour Novethic, François-Marie Bréon, chercheur au laboratoire des sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE-IPSL)*, nous explique comment faire la différence.
Depuis plusieurs jours, il semble qu’il y ait une confusion sur les réseaux sociaux entre météo et climat. Pouvez-vous nous expliquer concrètement la différence entre les deux ?
François-Marie Bréon : La météo regarde l’évolution des paramètres atmosphériques. Le jour et l’heure ont une importance essentielle. Car si on prévoit la pluie, sans vous dire si c’est cet après-midi, demain, ou la semaine prochaine, ce n’est pas de la météo. Tandis que le climat analyse la statistique de ces mêmes paramètres. Elle regarde donc la moyenne des températures, la probabilité de dépasser certains seuils, la précipitation moyenne sur un mois ou une année. Ainsi, si la pluie tombe le lundi ou le vendredi, c’est équivalent pour l’analyse climatique.
Ces dernières décennies, la température moyenne a augmenté, cela concerne le climat. Cette augmentation fait que la probabilité d’avoir des températures supérieures à un certain seuil un jour donné a augmenté. On parle alors de météo.
Il y a quelques semaines, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau avait déclaré que "les températures étaient normales pour un été". Est-ce juste ?
F-M B. : Le mois de juin a été nettement plus chaud que la moyenne. Le ministre de l’agriculture avait donc tort de dire que les températures étaient normales pour un été. Car cette température moyenne élevée est le résultat d’une température supérieure à la normale de quelques degrés pendant la grande majorité des jours, sans qu’il y ait de période de canicule particulièrement intense, c'est-à-dire sans avoir de températures autour de 40.
Mais, il est clair aujourd’hui que l’on s’habitue à la hausse des températures, et que l’on trouve maintenant 'normal' des températures que l’on aurait considéré 'exceptionnelles', il y a quelques décennies.
En ce début du mois d’août, les températures sont en-dessous des normales de saison. Cela remet-il en question la véracité du changement climatique ?
F-M B. : Certainement pas. La météo montre des fluctuations des températures autour de la moyenne. Le fait que la moyenne augmente n’élimine pas ces températures plus fraîches que la moyenne pendant quelques jours. Par ailleurs, ces températures fraîches ne concernent qu’une petite partie du globe. La température moyenne de la Terre reste très au-dessus des normales.
Fréquemment, certains disent que si les météorologues ne sont pas capables de prévoir la météo du lendemain, alors comment les climatologues peuvent prévoir l’avenir du climat … Est-ce vrai ?
F-M B. : Les météorologues sont incapables de vous dire précisément quelle sera la température ou la nébulosité un jour précis. Ils ne peuvent pas affirmer que la température du 10 juillet sera plus ou moins élevée que celle du 10 avril. Cependant, ils peuvent vous affirmer que la température moyenne de juillet sera plus élevée que celle du mois d’avril, en raison du rayonnement solaire, plus élevé en juillet qu’en avril, ce qui déplace de fait la moyenne des températures.
Pour le climat, c’est pareil. Même si l’on est incapable de connaître précisément l’état de la Terre un jour donné, on sait que l’augmentation des gaz à effet de serre va déplacer la moyenne des températures.
N’êtes-vous pas agacé par ce déferlement climatosceptique sur les réseaux sociaux dès que les températures passent en-dessous des normales de saison ?
F-M B. : Je suis bien sur déçu par la bêtise de nombreux contributeurs que je vois sur Twitter, et encore plus par le fait que certains comptes sont clairement dans la manipulation. Car, je fais la différence entre ceux qui mentent, et ceux qui sont trompés. Mais je suis rassuré par le fait que ces climatologues-dénialistes n’ont pratiquement plus accès aux médias traditionnels (à quelques rares exceptions près) et n’ont plus de pouvoir.
La situation est aujourd’hui bien meilleure que celle que l’on avait il y a 15 ans lorsqu’un ministre de l’éducation (Claude Allègre, ndlr) pouvait tenir des propos niant la responsabilité humaine du changement climatique dans une chaîne nationale.
Propos recueillis par Blandine Garot

*François-Marie Bréon a notamment collaboré scientifiquement avec Jean Jouzel au chapitre 'Quelle est la différence entre météo et climat ?', dans 'Tout comprendre (ou presque) sur le climat', ouvrage écrit par Bon Pote, Anne Brès et Claire Marc, éd. CNRS, 2022.
Publié le 8 août 2023
Un thermomètre qui peine à passer les 20°C en ce début du mois d’août. Il n’en fallait pas plus pour que certains internautes exultent sur les réseaux sociaux pour remettre en cause le changement climatique. L’occasion de faire le point avec le climatologue français, François-Marie Bréon.
Découvrir gratuitement
l'univers Novethic
- 2 newsletters hebdomadaires
- Alertes quotidiennes
- Etudes



