En marge de la COP28, qui s’est tenue à Dubaï en fin d’année dernière, 152 pays ont signé la Déclaration des Émirats sur l’agriculture durable, les systèmes alimentaires résilients et l’action climatique. Ces derniers s’engagent à intégrer l’alimentation dans leurs plans climatiques d’ici 2025. Un signe encourageant pour l’agriculture, frappée de plein fouet par la crise climatique. Mais encore insuffisant. Les financements climatiques pour les fermes de petite échelle, les plus fragiles, ont en effet chuté de 44% entre 2018 et 2020, selon un rapport de la Climate Policy Initiative publié avant le sommet climatique.
Au total, les petites structures agricoles ne bénéficient plus que de 0,8% des financements climatiques, tous secteurs confondus. Or, ils devraient être 7 fois plus important pour qu’elles atteignent les objectifs de transition, estime le rapport. Une situation d’autant plus inquiétante que les petites structures sont à l’origine de 35% de l’alimentation mondiale selon une étude publiée en 2021 par la revue World Development.
Les petites structures agricoles, ciment économique
C’est un risque important pour de nombreux pays dont les structures agricoles sont le ciment économique. Par exemple, en Asie de l’Est et dans le Pacifique, 93% des fermes sont de petite échelle, c’est-à-dire inférieures à 2 hectares. "Des pays comme Haïti ou encore Madagascar sont éminemment agricoles et leur production vise à la fois l’alimentation et l’exploitation économique", explique à Novethic Christophe Eberhart, co-fondateur de la coopérative Ethiquable qui prône le commerce équitable et l’agriculture paysanne. Le risque est aussi social. "Les groupements de filières équitables sont souvent le résultat d’actions de projets de développement menés par des ONG", ajoute-t-il.
Il y a urgence alors que ces pays sont, souvent, les plus vulnérables à la crise climatique. "C’est particulièrement vrai dans des pays en développement en Asie de l’Est, dans le Pacifique, en Asie du Sud et en Afrique sub-saharienne", précise la Climate Policy Initiative. L’Amérique latine, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont aussi concernés avec une moindre part de fermes de petites échelles, mais une vulnérabilité aussi importante. En Iraq, par exemple, plus de la moitié des fermiers ont réduit la superficie de leur production ou leur usage de l’eau à cause de l’extrême sécheresse, selon une étude publiée en novembre 2023 par l’ONG Norwegian Refugee Council, amenant de nombreux fermiers à envisager de quitter leur région. Plus globalement, les pays en développement ont perdu 8 points de PIB en 2022 à cause du dérèglement climatique.
Baisse globale des financements dans l’agriculture
Actuellement, ce sont surtout les structures publiques internationales qui concèdent des financements sous forme de subventions ou de prêts à tarifs préférentiels. Si la Climate Policy Initiative salue leur utilité, elle appelle aussi à renforcer l’investissement en capital par des fonds de private equity, ce qui ne représente que 0,6% des financements actuellement. Ce moyen permettrait aux agriculteurs de "bénéficier du partage des risques et d’une gestion à long terme des engagements des investisseurs, tout en évitant le danger des pièges de l’endettement, notamment en cas de mauvaises récoltes", indique le rapport.
L’agriculture est, globalement, le parent pauvre des financements climatiques avec une baisse globale de 20% entre 2018 et 2020 pour l’agriculture et la foresterie, note la Climate Policy Initiative, alors qu’ils ont en parallèle augmenté dans les autres secteurs. Si l’agriculture a besoin de financements, un écueil doit être évité : celui de la financiarisation des terres agricoles. Cette tendance lourde ces dernières années concentre les richesses et favorise les monocultures nuisibles pour l’environnement.
Fanny Breuneval