Publié le 16 juillet 2024

Laurence Tubiana, Première Ministre ? L’architecte de l’Accord de Paris, qui a réussi à mettre d’accord 195 pays en 2015 lors de la COP21, a été proposée par le PS, le PCF et EELV. La France Insoumise a pour l’instant rejeté cette candidature “pas sérieuse” pour elle. Un consensus plus large est-il possible ?

Celles et ceux qui suivent de près la politique environnementale en France et dans le monde connaissent bien son nom. Hier, lundi 15 juillet en fin de journée, les socialistes, écologistes et communistes ont proposé une nouvelle candidate pour Matignon : Laurence Tubiana. C’est elle qui, en 2015, a été l’architecte de l’Accord de Paris pendant la COP21, la conférence mondiale sur le climat. “Son bébé”, comme elle le dit elle-même, lors d’une longue interview accordée à Novethic en 2021. Ce texte, elle l’avait imaginé et préparé des années auparavant, raconte-t-elle. Quand elle a été nommée ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique pour la conférence de 2015, elle a déroulé son plan, sans présager du résultat. Et elle a bataillé jusqu’à la toute fin, négociant avec tous les blocs, même les plus récalcitrants, pour décrocher le consensus.

C’est dire si la communauté scientifique et climatique, qui loue ses qualités de diplomate, apprécie son travail : l’économiste de 73 ans avait réussi à mettre d’accord 195 pays pour signer l’Accord de Paris. “J’avoue que ça aurait vraiment de l’allure ! #GoLaurence”, a ainsi tweeté le climatologue Christophe Cassou. “On n’est pas objectifs. Mais quel bonheur d’avoir travaillé avec elle”, renchérit la géographe Magali Reghezza. “Une spécialiste reconnue du climat, compétente, qui connait l’économie et l’administration, capable de réunion au-delà du clivage droite/gauche, européenne. Nommée Laurence Tubiana Première ministre serait une vraie bonne idée”, ajoute l’avocat en droit de l’environnement, Arnaud Gossement.

Soutien de plusieurs ONG

Du côté du milieu associatif écologiste, sa candidature fait également mouche. “Laurence Tubiana est une personnalité reconnue pour ses compétences, sa connaissance des arcanes de l’Etat et son sens du dialogue. Ses engagements en faveur de la transition écologique et de la justice sociale ont toujours été les moteurs de son action”, écrit sur X la directrice des programmes du Réseau Action Climat (RAC), Anne Bringault.

Sébastien Treyer, actuel directeur de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) que Laurence Tubiana a fondé en 2002, la décrit comme une “avocate infatigable d’une plus grande ambition en matière sociale” et vante “sa capacité d’être à l’écoute de toutes et tous (…), son expertise et sa créativité qu’elle met au service du bien commun pour trouver des solutions à des blocages qui paraissent insolubles“. A l’international, Friederike Roder, de Global Citizen pointe aussi son travail récent pour “réformer la fiscalité internationale et mettre en place des taxes sur les ultra riches et les secteurs les plus polluants, des réformes qui devront aussi s’appliquer à la France”. 

Diplômée de Sciences Po et titulaire d’un doctorat en économie, Laurence Tubiana a commencé sa carrière à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Elle fonde dans les années 80 Solagral, une ONG travaillant sur la sécurité alimentaire et l’environnement mondial, puis l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). Entre-temps, elle est conseillère à l’environnement du Premier ministre français Lionel Jospin. Depuis 2017, elle dirige la Fondation européenne pour le climat (ECF), entre autres engagements auprès de la Convention citoyenne pour le climat ou encore du Haut conseil pour le climat, où elle a parfois épinglé la politique climatique du gouvernement.

Une “écolo libérale” trop proche du macronisme pour LFI

Celle qui a décliné à deux reprises le ministère de la transition écologique proposée par Emmanuel Macron signait pourtant il y a quelques jours une tribune collective dans Le Monde pour appeler Le Nouveau Front populaire à “tendre la main aux autres acteurs du front républicain pour discuter d’un programme d’urgence républicaine.” C’est ce qui explique en partie le refus du parti La France Insoumise de valider sa candidature. Ce mardi 16 juillet au matin, Manuel Bompard, a en effet douché les espoirs d’un consensus autour de sa candidature. Invité sur France 2, le coordinateur de la France Insoumise a déclaré : “Si c’est effectivement ce profil sur lequel travaillent nos partenaires, je tombe de ma chaise”, a-t-il expliqué 

Laurence Tubiana, dont la Fondation est financée par The Rockefeller Brothers Fund ou encore Bloomberg Philanthropies, est aussi qualifiée par plusieurs membres de LFI d’“écolo libérale”. Qualificatif dénoncé par ses soutiens : “Ecolo libérale pour disqualifier Laurence Tubiana. Je n’en peux plus de ce sectarisme de comptoir”, a réagi Sébastien Mabile, avocat spécialisé dans les contentieux environnementaux. “Le refus par La France Insoumise du nom de Tubiana est normal et ne relève d’aucun sectarisme”, a répondu la députée insoumise Claire Lejeune, “Il relève d’un attachement à la parole donnée : nous nous sommes engagés à appliquer le programme du NFP”.

La semaine dernière, le 10 juillet, c’est le patron du PCF, Fabien Roussel, en accord avec LFI, qui proposait Huguette Bello, présidente de la région La Réunion. Sans soutien du Parti Socialiste, cette dernière a finalement décliné l’offre “soucieuse” de “garantir l’unité du Nouveau Front populaire”. Reste à savoir si le NFP résistera à ses tractations pour le choix d’un ou d’une première ministre qui fissure chaque jour un peu plus une coalition électorale qui a remporté la première place à l’Assemblée nationale.

*Contactés par Novethic, ses proches nous indique que Laurence Tubiana ne prendra pas la parole pour l’instant.

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes