Action réaction. Après le coup de gueule de la compagnie low-cost Ryanair contre la taxe aérienne, la ministre française du Tourisme, Nathalie Delattre, s’est dite favorable à sa suppression, avant de rétropédaler “La ministre est contre toute augmentation de cette taxe mais pas pour sa suppression”, a fait savoir son ministère à l’AFP en fin de matinée, alors que Mme Delattre avait déclaré plus tôt sur TF1 : “Je suis aux côtés du ministre (des Transports) Philippe Tabarot pour défendre cette option de supprimer cette taxe.”. “Il y a un problème avec cette taxe, (…) elle est de nature à ralentir le trafic aérien”, avait-t-elle ajouté, reconnaissant cependant que la compagnie faisait preuve d’opportunisme alors qu’elle avait déjà un plan de suppression en cours.
La taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) en vigueur en France est passée à 7,4 euros contre 2,63 euros auparavant pour les vols intérieurs ou vers l’Europe. Le gouvernement l’a alourdie pour l’année budgétaire 2025, escomptant 800 millions d’euros de recettes supplémentaires. En réaction, la compagnie irlandaise Ryanair a annoncé cette semaine “l’arrêt de ses activités” pour l’hiver 2025 sur les aéroports de Strasbourg (est), de Bergerac et de Brive (sud-ouest), d’où elle desservait l’Écosse ou le Portugal. La compagnie avait déjà quitté Vatry (est) au printemps.
“Encore une zone rurale qui trinque”
Pour l’hiver 2025, la première compagnie à bas prix européenne prévoit une réduction de 13% de sa capacité en France, soit 750 000 sièges en moins, l’annulation de 25 lignes et l’interruption de la desserte de ces trois aéroports. “Cette décision fait suite à l’échec du gouvernement français à annuler l’augmentation excessive de la taxe aérienne, qui a été augmentée de 180% en mars 2025”, a expliqué la société irlandaise dans un communiqué. “Cette taxe astronomique rend la France moins compétitive par rapport à d’autres pays de l’UE comme l’Irlande, l’Espagne ou la Pologne, qui n’imposent aucune taxe aérienne”, a poursuivi Ryanair, qui s’est aussi fait menaçant pour l’été 2026.
Le président socialiste du conseil départemental de la Dordogne, Germinal Peiro, prend cette décision “au sérieux puisque Ryanair assure les deux tiers des vols sur la plateforme de Bergerac“. A Strasbourg, le président du directoire de l’aéroport, Gilles Tellier relativise l’annonce de Ryanair, qui ne concerne que deux destinations (Agadir et Porto) desservies deux fois par semaine par la compagnie. Pour Julien Bounie, président du syndicat mixte gérant de l’aéroport de Brive, “ce qui est regrettable c’est que Ryanair ait choisi un petit aéroport d’aménagement du territoire… C’est encore une zone rurale qui trinque”.
S’enfonçant dans la brèche, l’Union des aéroports français (UAF) a déploré cette décision “malheureusement prévisible” qui entraîne “une perte immédiate de revenus” pour les aéroports et “un isolement renforcé, une diminution de l’attractivité et une baisse significative de la fréquentation touristique” pour les territoires concernés. De son côté, la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (FNAM) a appelé le gouvernement à “revenir à une fiscalité plus équilibrée, afin d’éviter d’autres fermetures de lignes qui isoleraient encore davantage la France et ses régions”.
L’avion 2,5 fois moins cher que le train
Pourtant, à l’heure de la crise climatique, et alors que le secteur aérien représentait 25% de l’empreinte carbone des transports en France en 2023, il est nécessaire de réorienter les pratiques de l’avion vers le train. Et cela passe notamment par des taxes. Or l’avion est bien moins taxé que le train, alertent depuis des années les experts. Dans un rapport à paraître cet été, Greenpeace a comparé le prix d’entrée des billets d’avion et de train sur 21 liaisons entre la France et l’Europe. Résultat : le train est en moyenne 2,5 fois plus cher que l’avion.
Par exemple : sur la liaison Paris-Rome, qui transporte plus de 2 millions de passagers aériens chaque année, le billet d’avion le plus bas se trouve autour de 70 € en moyenne, contre 210 € pour un billet de train. Entre Marseille et Londres, Greenpeace a trouvé un billet d’avion à 15 €, quand le billet de train le moins cher coûtait 188 € le même jour. En cause ? Les exonérations fiscales aériennes (aucune taxe sur le kérosène, et TVA à 0% sur les vols internationaux) et des péages ferroviaires qui sont parmi les plus chers d’Europe.
Le Réseau Action Climat recommande dès lors la fin des niches fiscales aériennes (hors Outre-mer), en augmentant la taxe sur les billets d’avion à un niveau qui compense ces exonérations fiscales. “Cette proposition permettrait de financer 3 mesures en faveur du ferroviaire : offrir un billet de train à tarif réduit à tous les Français ; relancer (vraiment) le train de nuit ; et baisser les péages ferroviaires pour le TGV, à commencer par les liaisons internationales et transversales (région-région)”. Ce n’est pas le chemin que semble vouloir emprunter le gouvernement.