Publié le 18 mars 2025

Si de plus en plus d’entreprises évaluent leurs risques climatiques, la mise en place d’investissements et d’actions pour l’adaptation climatique est encore à la traîne. C’est ce que révèle le dernier rapport du Boston Consulting Group et de Quantis, qui appelle à une vision systémique de l’action climatique des entreprises.

Milton, Hélène, Chido, inondations à Valence, ou encore en Allemagne… Les événements météorologiques extrêmes se sont multipliés ces dernières années, et les entreprises commencent à prendre conscience des risques que cela fait peser sur leurs modèles d’affaires. Alors que plusieurs usines ou fournisseurs clés de grands industriels internationaux ont été frappés ces dernières années par les conséquences physiques de la crise climatique, à l’image de Porsche paralysé par les inondations en juillet dernier, l’adaptation climatique commence peu à peu à s’imposer dans les axes de réflexions stratégiques des acteurs privés.

D’après un récent rapport publié par le BCG et Quantis, le nombre d’entreprises mesurant leurs risques climatiques a ainsi été multiplié par 4 entre 2020 et 2023, signe que l’inquiétude commence à monter chez les dirigeants économiques. “La plupart des entreprises avec lesquelles nous avons échangé considèrent que l’adaptation est un vrai sujet” confirme Francesco Bellino, Directeur associé au BCG et expert des sujets climats, interrogé par Novethic. “L’exposition à des événements climatiques de plus en plus forts, proches de leurs zones d’activité et notamment en Europe a fortement accéléré la prise de conscience”, ajoute-t-il.

Manque d’investissement et de vision systémique

Conséquence de cette prise de conscience, les investissements réalisés par les entreprises pour se préparer à faire face à ces risques ont doublé à périmètre constant, selon les données du Carbon Disclosure Project. Pour autant, le compte n’y est pas, loin s’en faut. Près des trois quarts des entreprises investissent en effet moins de 0,1% de leurs revenus dans leurs stratégies d’adaptation, et à peine 9% d’entre elles dégagent plus de 0,5% de leurs revenus pour construire leur résilience et leur robustesse climatiques.

Elles sont également peu nombreuses (moins de 20%) à évaluer leurs risques climatiques sur l’ensemble de leur chaîne de valeur, c’est-à-dire à la fois en amont et en aval de leurs opérations, expliquent les auteurs du rapport. “Les entreprises se focalisent sur la manière dont elles peuvent se protéger des événements climatiques extrêmes, mais elles ont encore du mal à engager une réflexion sur des changements plus structurels, comme la hausse des températures, les changements de modèles hydriques, les bouleversements des écosystèmes ou des bassins agricoles“, ajoute Francesco Bellino du BCG.

Pour l’expert, “les entreprises tendent encore trop souvent à percevoir les mesures d’adaptation comme des coûts, et non comme des outils de création de valeur“. L’enjeu est donc désormais de développer des outils pour “apprendre à mieux modéliser et quantifier les risques, identifier les opportunités de création de valeur, et débloquer des financements adaptés.” Objectif : que les entreprises intègrent la question de l’adaptation au cœur de leur stratégie et mettent en place des plans d’action systémiques, “pour changer le business model de l’entreprise, transformer le sourcing, aider les fournisseurs à s’adapter par exemple”.

Un risque de maladaptation qui pourrait coûter cher aux entreprises

Or, le contexte global risque de ne pas être favorable à une meilleure intégration des enjeux d’adaptation climatique pour les acteurs économiques. Entre les inquiétudes liées à la guerre commerciale et aux tensions géopolitiques, et les retours en arrière de l’Europe sur les différentes normes sociales et environnementales, on ne peut pas dire que les entreprises soient réellement incitées à investir dans leur résilience. Pourtant, Francesco Bellino se veut rassurant : “même avec les hésitations réglementaires actuelles, le coup est parti, et on voit que les entreprises commencent réellement à s’interroger sur leurs capacités d’adaptation climatique”.

L’expert voit même le contexte économique et géopolitique actuel comme une opportunité pour transformer les modèles : “les entreprises sont en train de faire muter leurs chaînes d’approvisionnements et leurs modèles de production pour s’adapter aux aléas en Mer Rouge, à la guerre en Ukraine, aux risques de pandémie… Elles en profitent pour intégrer les questions climatiques à ce travail”, assure-t-il.

Le risque de maladaptation pourrait coûter cher aux entreprises, alors que les risques climatiques sont appelés à devenir de plus en plus forts pour les acteurs privés au fur et à mesure que nous nous éloignons des objectifs d’atténuation et que le climat continue de s’emballer. Les études publiées ces derniers mois montrent que les entreprises pourraient ainsi perdre jusqu’à 25% de leurs bénéfices d’ici 2050 à cause de la crise climatique. D’où l’importance de s’adapter, mais aussi de tout faire pour réduire l’ampleur de la crise climatique via des politiques d’atténuation et de baisse des émissions de gaz à effet de serre.

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes