31 stratégies biodiversité
La COP16 Biodiversité va d’abord être l’occasion de faire le point sur l’engagement des Etats en matière de biodiversité. Or, à ce jour seuls 31 pays (dont la France) sur 196 ont soumis leur Stratégies et plans d’action nationaux pour la diversité biologique (appelés SPANB dans le jargon onusien) et 99 ont fourni des cibles nationales, un exercice moins complexe et long. Malgré le nombre important de nations qui manquent à l’appel, “il faut voir le bon côté des choses“, a relativisé Astrid Schomaker, secrétaire exécutive de la Convention sur la diversité biologique (CBD), lors d’une conférence de presse, car les pays “s’alignent plus vite” sur la feuille de route 2030 que sur celle de 2020, qui fut un échec retentissant. “De nombreuses autres soumissions sont en cours”, avec des annonces attendues pendant le sommet, explique la responsable onusienne. Selon Carbon brief et The Guardian, sur 17 pays abritant 70% de la biodiversité mondiale, seuls cinq sont au rendez-vous : l’Australie, la Chine, l’Indonésie, la Malaisie et le Mexique. Manquent notamment le Brésil, la République démocratique du Congo, ou encore les Etats-Unis, mais ces derniers ne sont pas signataires de la Convention sur la biodiversité. “On peut espérer que ce soit une COP de tremplin et que des messages et des signaux seront envoyés pour qu’on arrive à la COP17 avec un très grand nombre de SPANB”, commente Juliette Landry, spécialiste biodiversité au sein de l’Iddri, lors d’un brief presse.

20 milliards de dollars
L’autre engagement que les Etats vont analyser à Cali est celui qui porte sur les financements pour la biodiversité et notamment l’atteinte des 20 milliards de dollars promis pour 2025. Selon un rapport de l’OCDE, publié mi-septembre, les financements de la biodiversité dans les pays en développement ont atteint 15,4 milliards de dollars en 2022, en hausse de 112 % depuis 2015. L’objectif semble donc être en voie d’être atteint. Mais les discussions devraient également porter sur un autre point qui suscite d’importantes crispations. Alors qu’un fonds adossé au Fonds pour l’environnement mondial (FEM) a été lancé en 2022, les pays du groupe Afrique appellent à en créer un autre, indépendant et entièrement consacré à la biodiversité à l’instar du Fonds vert pour le climat. Une option que rejettent les pays donateurs, dont l’Union européenne, et qui va cristalliser les négociations. “Le choix du FEM pour administrer le Fonds du cadre mondial de la biodiversité est particulièrement problématique, car l’organisation n’exige pas que les peuples autochtones aient le droit de donner leur consentement éclairé pour tout projet qu’elle finance et qui serait susceptible d’avoir un impact sur leurs vies, leurs terres et leurs droits”, pointe l’ONG Survival International dans une note consacrée à la COP16.
23 cibles
Le troisième enjeu de la COP16 est la poursuite de la mise en œuvre de l’Accord de Kunming-Montréal et de ses 23 cibles, adoptés en 2022. Les Etats devront ainsi s’accorder sur les indicateurs et modalités de suivi qui devront permettre de réaliser le premier bilan global de l’action à la COP17 de 2026. “Si les négociations de ces modalités à la COP16 paraissent très techniques, elles sont fondamentales pour maintenir au plus haut l’ambition pour la biodiversité à l’avenir, commente le Réseau action climat. Contrairement aux objectifs d’Aichi, le nouveau Cadre Kunming-Montréal a réussi à imposer un mécanisme de redevabilité vis-à-vis des Etats avec ce Bilan Mondial, ce qui n’est pas évident dans le multilatéralisme actuel, orienté sur le volontarisme et qui évite les sanctions.” Et contrairement à l’Accord de Paris sur le climat, qui suit un cycle de cinq ans pour le bilan de l’action, les Etats n’ont que deux ans pour s’aligner avec l’Accord de Kunming-Montréal.
18 000 participants
De l’aveu même d’un observateur de la COP, celle-ci ne devait pas susciter beaucoup d’attention car il s’agit surtout d’une COP d’opérationnalisation, mais la Colombie, son pays hôte en a fait un véritable événement. Si bien que quelque 18 000 personnes sont attendues à Cali. Parmi elles, une dizaine de chefs d’Etat d’Amérique du Sud et d’Afrique et plus d’une centaine de ministres sont attendus. Ce qui est une première, les COP Biodiversité ayant toujours été boudées par les chefs d’Etat. Pour l’instant, en revanche, aucun chef d’Etat des pays occidentaux n’a prévu de faire le voyage, la présence d’Emmanuel Macron serait décidée au dernier moment. “Pour nous, il est important de voir aussi l’énorme mobilisation. Nous avons la plus grande COP jamais organisée. Nous avons la plus grande zone verte. Nous avons plus de médias, plus d’entreprises, plus de parties prenantes [et] plus de délégués que jamais auparavant, a déclaré Astrid Schomaker, la secrétaire exécutive de la CBD dans un entretien à Carbon Brief. Nous pensons donc que, d’une certaine manière, lorsque les gens disent que le moment est venu pour la nature, c’est vraiment le moment.”
230 entreprises
Les entreprises semblent particulièrement mobilisées pour ce sommet. Il faut dire qu’une cible leur est pour la première fois explicitement dédiée (cible 15) dans l’Accord de Kunming-Montréal et que les différentes règlementations européennes (CSRD, CSDDD, …) et cadres d’action volontaires dédiés à la nature (TNFD, SBTN, …) les poussent à agir. A la veille de la COP16, plus de 230 entreprises et institutions financières appellent ainsi à une “ambition politique renouvelée” pour mettre en œuvre le Cadre mondial pour la biodiversité. Par ailleurs, 26 entreprises ont publié leurs propres SPANB, parmi lesquelles neuf entreprises françaises telles que le groupe ADP (Aéroports de Paris), EDF, L’Occitane, Kering, Engie, Decathlon ou encore Veolia dans le cadre de l’initiative “It’s now for nature”. Afin qu’elles soient de plus en plus nombreuses, l’association Orée vient de lancer la plateforme Entreprises et biodiversité. “Nous proposons des outils, des ressources et des cadres inspirants pour aider chaque entreprise à mieux comprendre ses impacts et dépendances, et à prendre des mesures adaptées pour réduire ses pressions, tout en préservant et restaurant la biodiversité“, explique Sylvie Gillet, responsable biodiversité et économie chez Orée.
