Publié le 29 octobre 2024

Lancée lors de la COP21 organisée en 2015 à Paris, l’initiative “4 pour 1000 : les sols pour la sécurité alimentaire et le climat” promeut, à l’international, les modes d’agriculture et de foresterie qui protègent les sols pour qu’ils absorbent le plus possible de C02 et gardent leurs capacités de production. Ses animateurs espèrent que la conjugaison des trois COP sur la biodiversité, le climat et la désertification, va aider à donner un nouvel élan au mouvement de sensibilisation sur ce thème négligé.

La COP16 Biodiversité qui a lieu en ce moment , la COP29 climat organisé en novembre et la COP désertification lancée en décembre vont-elles relancer l’initiative 4 pour 1000 sur la santé des sols ? Cette initiative internationale milite pour redonner aux sols agricoles et forestiers leurs capacités de séquestration naturelle de carbone. C’est d’autant plus important qu’elles sont mises à mal en France où selon l’ONF les forêts jouent de moins en moins leur rôle de puits de carbone.  Les travaux de plaidoyer de “4 pour 1000” permettent de comprendre que les sols plus riches en carbone sont moins sensibles à l’érosion, à la désertification, et sont capables de mieux absorber et retenir l’eau de pluie. Augmenter la teneur en matière organique des sols agricoles et forestiers, c’est aussi d’augmenter leur fertilité en utilisant moins d’engrais minéraux ce qui permet d’assurer une meilleure sécurité alimentaire. Rendre les sols plus sains permet de doper les capacités naturelles de captation de carbone des végétaux et de restaurer l’écosystème de la terre.

L’expression “4 pour 1000” vient du paradigme suivant. Les sols mondiaux contiennent 2 à 3 fois plus de carbone que l’atmosphère. Si le niveau de carbone stocké dans les 30 à 40 premiers centimètres du sol augmentait de 0,4% (soit 4 pour 1000 par an), l’augmentation annuelle de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère serait considérablement réduite. “Nous rassemblons tous ceux qui doivent travailler ensemble pour améliorer la santé des sols qui sont de formidables capteurs de CO 2, à commencer bien sûr par les acteurs de l’agriculture qui doivent modifier leurs pratiques”, explique Paul Luu, secrétaire exécutif de “4 pour 1000”.

“Il faut un véritable changement de mentalité pour que les agriculteurs comprennent que leur véritable capital, c’est le sol”

Avec 839 partenaires en septembre 2024, l’Initiative a une portée mondiale et implique tous les intervenants publics ou privés qui ont un lien avec les sols, agricoles ou forestiers. Unique en son genre, elle est composée de différents collèges (pays, organisations internationales et régionales, organismes de financement publics et privés, organisations paysannes et forestières, instituts de recherche, ONG et société civile, et entreprises privées), reliés par une plateforme collaborative innovante.

L’initiative, pourtant très modeste en termes de moyens, parvient à avoir un rayonnement international et à pousser l’agroécologie non seulement en Europe mais aussi en Afrique. Elle bénéficie notamment de l’appui du ministère français de l’Agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. Son mode d’action : la démonstration. Son mantra : faire comprendre à ceux qui exploitent ou achètent des terres que l’état de santé de ce sol a beaucoup plus d’importance que le volume de la surface, seul élément pris en compte aujourd’hui.

L’initiative avait porté l’idée d’intégrer à la dernière loi sur l’agriculture une obligation de réaliser un état des lieux de la santé des sols. Cet indicateur aurait été intégré aux transactions qu’il s’agisse de rachat ou de locations de terre. “Cela devait fonctionner comme le Diagnostic de Performance Energétique (DPE) pour les transactions immobilières”, explique Paul Luu. Il rappelle qu’aujourd’hui on n’obtient l’appellation AOC qu’en raison de la localisation de la terre productrice, pas de la qualité de la terre de l’exploitation labellisée. Les aléas électoraux ont reporté le projet sine die. “Il faut un véritable changement de mentalité pour que les agriculteurs comprennent que leur véritable capital c’est le sol et qu’ils doivent veiller sur sa qualité, pour continuer non seulement à produire mais aussi lutter contre le changement climatique”, ajoute-t-il en précisant que cela peut permettre aux agriculteurs d’obtenir des crédits carbone et de financer leur transition vers l’agroécologie.

“4 pour 1000 participe aux trois COP”

“4 pour 1000 participe aux trois COP” explique Paul Luu. “La santé des sols est aussi importante pour la préservation de la biodiversité (COP16) que la lutte contre le changement climatique (COP29 à Bakou) et la désertification (dernière COP de 2024 prévue à Ryad en décembre). Nous espérons qu’il sera possible de faire le lien entre elles et de mettre en place un cadre de référence international autour de la santé des sols”.

Pour disséminer les bonnes pratiques, “4 pour 1000” suit une centaine de projets d’agroécologie dans le monde et participe à de nombreux évènements dont le second Forum mondial pour des sols vivants qui s’est tenu à Arles les 8 et 9 octobre. Coorganisé par Moet Henessy et Change Now, il a permis de lancer l’appel à “Agir ensemble pour des sols vivants”. Le texte souligne que “le sol soutient la biodiversité, régule le climat et l’eau et assure notre alimentation. Il abrite plus de 50 % des espèces vivantes dont des millions de micro-organismes. Or 40 % des sols sont aujourd’hui dégradés et menacent notre survie”.

“4 pour 1000”, présidée par l’ancien ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, avance mais aimerait pouvoir accélérer la mobilisation autour de la santé de la terre et donner une ampleur plus grande à son action. Les animateurs de l’initiative espèrent être un trait d’union entre les trois COP qui traitent séparément des problèmes pourtant intrinsèquement liés.

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes