Publié le 8 mai 2025

Ils sont partout. Le matcha et le chocolat Dubaï font partie des tendances incontournables des réseaux sociaux. Des phénomènes qui entraînent une surconsommation au niveau mondial et, in fine, des tensions sur le marché des matières premières alors que les chaînes d’approvisionnement peinent à satisfaire une demande en hausse constante.

Beignet, chocolat chaud, biscuit, pâte à tartiner ou encore glace : depuis quelques mois, le “chocolat Dubaï” est décliné sous toutes les formes. Et pour cause, cette tablette de chocolat garnie de cheveux d’anges et de pâte de pistache est devenue un véritable phénomène viral… Inventée par un chocolatier émirati, origine qui lui vaut son surnom, la recette a gagné en notoriété à la suite d’une vidéo publiée sur TikTok en décembre 2023. Depuis, le clip a généré plus de 120 millions de vues et le hashtag #dubaïchocolate a été utilisé plus de 440 000 fois sur la plateforme chinoise. Mais la tendance dépasse maintenant largement les frontières des réseaux sociaux, amplifiée par certaines grandes marques de consommation, comme Lindt et Lidl, qui proposent leurs propres variantes.

Du côté des consommateurs, la demande explose. L’engouement est tel que certains magasins se voient même obligés de rationner le nombre de tablettes achetées par client. Car la précieuse friandise pourrait devenir de plus en plus difficile à se procurer, alors que les stocks de pistaches baissent fortement. L’année dernière a en effet été marquée par une mauvaise récolte aux Etats-Unis, le premier producteur mondial. Si un nombre grandissant d’agriculteurs californiens seraient en train d’abandonner les cultures d’amandes pour se tourner vers la pistache, plus rentable, les plantations nécessiteront plusieurs mois avant de commencer à produire.

Hausse des prix et des exportations

“Il n’y avait déjà pas beaucoup d’offre. Alors quand le chocolat Dubaï arrive et que [les chocolatiers] achètent toutes les pistaches qu’ils trouvent… Cela laisse le reste du monde à court d’approvisionnement”, résume Giles Hacking, un négociant en fruits secs interrogé par le Financial Times. En résulte une flambée des prix sur le marché des matières premières. En un an, la livre de pistache est passée de 7,65 dollars à 10,30 dollars, soit environ vingt euros le kilo. Et ce n’est pas la seule denrée à pâtir d’un phénomène de surconsommation mondiale. Au Japon, le matcha subit le même sort.

Là aussi, les réseaux sociaux jouent un rôle prépondérant. Synonyme d’un mode de vie sain et branché, la poudre de thé y est omniprésente, autant dans les contenus partagés par les utilisateurs que dans les publicités qui y sont diffusées. Sur Instagram, près de 9 millions de publications sont par exemple associées au mot-clé “matcha”. Résultat, en 2023, le marché mondial du matcha a atteint 3,8 milliards de dollars et pourrait voir sa valeur augmenter de plus de 72% d’ici 2029 selon des estimations rapportées par le média financier Agefi.

Le montant des exportations est également en hausse : il a progressé de 25% en seulement un an. Pour répondre à la demande, la production de tencha, les feuilles de thé utilisées pour réaliser la fine poudre de matcha, a été multipliée par trois en un peu plus de dix ans. Mais cette croissance touche aujourd’hui ses limites. En fin d’année dernière, déjà, plusieurs fabricants japonais historiques annonçaient devoir limiter les commandes pour faire face à des tensions d’approvisionnement, voire des ruptures de stock.

Passage obligé

A la tendance portée par les réseaux sociaux s’ajoutent deux facteurs. D’une part, le Japon fait face à un afflux touristique exponentiel depuis la fin de la crise sanitaire et la réouverture des frontières. Entre 2023 et 2024, le nombre de visiteurs a ainsi progressé de 47%, entraînant une hausse des ventes de matcha directement dans le pays. “Les gens pensent que s’ils viennent à Kyoto en vacances, ils doivent absolument venir ici pour savourer un matcha. Et puis, tout le monde publie ses photos et vidéos en ligne”, explique au Guardian Naoto Sakayori, directeur d’un musée consacré au matcha situé à Uji, une ville connue pour sa production de thé vert.

De l’autre, les processus de fabrication du matcha s’avèrent peu adaptés à une forte demande internationale. Les méthodes et les outils utilisés pour produire la poudre de thé restent majoritairement traditionnels et les feuilles sont cultivées dans des exploitations souvent familiales, de taille moyenne. En outre, de plus en plus de producteurs en fin de carrière se voient contraints de mettre fin à leurs activités, faute de repreneurs. Un recul du nombre de plantations qui entraîne mécaniquement une baisse des stocks : en 2023, l’archipel a produit 22% de matcha en moins par rapport aux volumes enregistrés en 2008.

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