Publié le 06 février 2021
POLITIQUE
[À l'origine] Dans les années 90, la naissance des premiers procès climatiques
Le tribunal administratif de Paris a reconnu, pour la première fois début février, l'État français coupable d'inaction climatique dans le cadre de l'Affaire du siècle, portée par quatre associations. Une reconnaissance qualifiée d'historique. Depuis la fin des années 1990, les procès menés par les citoyens contre leur propre État pour des raisons environnementales se multiplient.

Sem Vand der Mal AFP
C'est une condamnation historique qui s'inscrit dans un mouvement qui prend corps depuis plus de deux décennies. Le 3 février, dans le cadre l'Affaire du siècle, l'État français a été condamné pour "inaction climatique". Le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) a révélé fin janvier que ces trois dernières années, les affaires de litiges climatiques ont presque doublé dans le monde, passant de 884 dans 24 pays en 2017 à 1 550 dans 38 pays l'année dernière. Si le rapport souligne que les procès climatiques se sont développés à partir des années 2000, quelques initiatives de procès envers les États ont vu le jour dès la fin des années 90.
"Le premier déclencheur a été le refus des États-Unis de rejoindre le protocole de Kyoto en 1997 qui permettait la mise en place du marché des quotas des émissions mondiales" souligne Judith Rochfeld, professeure de droit et autrice du livre, Justice pour le climat ! Les nouvelles formes de mobilisations citoyennes, paru en 2019. Pour souligner leur désaccord, des villes et des groupes de citoyens étasuniens se sont emparés des tribunaux pour signaler l’inaction du gouvernement face au changement climatique. Cependant, si les procès se sont multipliés durant la décennie, "ils ont longtemps été décevants" et en défaveur des plaignants, souligne la professeure.
Urgenda : premier procès historique
En matière de justice climatique, le grand procès historique est celui d'Urgenda, le premier remporté par les citoyens contre leur gouvernement. L'ONG néeerlandaise a ainsi attaqué en justice les Pays-Bas en 2014 et a accusé le pays de ne pas prendre de mesures suffisantes pour lutter contre le réchauffement climatique. Un an plus tard, à la surprise générale, le tribunal donne raison à l'ONG et exige du pays qu'il réduise ses émissions de gaz à effet de serre d'au moins 25% d'ici 2020, par rapport au niveau de 1990. "Le procès est historique tant pour son issue, que pour les arguments qui ont été avancés" souligne Judith Rochfeld. "C'est la première fois que l'idée de carence de l'Etat est pointée du doigt", pointe-t-elle. Mais Urgenda a été un procès isolé : "Les choses ont réellement commencé à changer il y a un an", décrypte la professeure.
Il a longtemps été difficile pour les tribunaux d’attribuer la responsabilité du réchauffement climatique à un État, alors que les émissions de gaz à effet de serre ne connaissent pas de frontières. Les engagements internationaux, jugés non contraignants, n'étaient pas jugés recevables. Depuis l’Accord de Paris, les choses ont commencé à évoluer. Contraints de se fixer des objectifs nationaux de réduction de gaz à effet de serre et de protection de l’environnement, les gouvernements peuvent désormais être attaqués sur leurs propres engagements. "Progressivement, les États ont été poussés à prendre des objectifs de plus en plus précis, souligne Judith Rochfeld. Cela rend possible le levier de la justice contre l'État".
Pauline Fricot, @PaulineFricot