Publié le 23 décembre 2020
POLITIQUE
5G : Avec l'installation d'une première usine en France, Huawei porte un coup à la souveraineté numérique européenne
Huawei a confirmé vouloir installer sa première usine hors de Chine en France. Une localisation au "carrefour de l'Europe" qui pose question quant à la souveraineté numérique de la France et à la protection de ses données personnelles. Alors que plusieurs pays européens ont fermé leur porte au géant chinois, l'Hexagone ne veut pas "stigmatiser" Huawei mais espère créer une solution à l'échelle européenne avec Ericsson et Nokia.

DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP
C’est confirmé. Le géant chinois Huawei a annoncé dans un communiqué qu’il implanterait sa première usine hors de Chine en France, dans la Région Grand Est, à Brumath. Ce site, qui représente un investissement minimal de 200 millions d’euros, fabriquera notamment des équipements liés à la technologie 5G. L’objectif est de produire un milliard d’euros d’équipements par an et de créer, dans un premier temps, 300 emplois.
Si Huawei a choisi ce lieu c’est qu’il est "au carrefour de l’Europe". Huawei avait déjà annoncé en février dernier vouloir s’installer en France, mais face aux réticences des Européens, il s’était donné dix mois de réflexion. Il faut dire que le contexte n’est pas favorable à ce géant des télécoms. Sur fond de guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, l'administration du président sortant Donald Trump a mis en avant un risque d'espionnage pour le compte du gouvernement chinois. Les États-Unis ont appelé de nombreux pays, notamment européens, à ne pas utiliser les infrastructures Huawei pour le déploiement du nouveau réseau téléphonique 5G.
Piratage de données sensibles
Le Royaume-Uni et la Suède sont les deux pays européens à avoir officiellement exclu l'équipementier du réseau mobile de dernière génération. Si la France n'a jamais explicitement franchi le pas, les voyants ne sont pas verts pour autant. L’eurodéputé écologiste Yannick Jadot a ainsi appelé à "virer Huawei de France". Et d'ajouter : "Sur une technologie aussi avancée, où il va y avoir toutes les données, sur notre vie privée, sur nos industries, sur notre défense, sur la santé… Je ne veux pas que ce soit un opérateur chinois contrôlé par l’État chinois. (…) Si les chinois contrôlent nos données, ça sera une catastrophe pour notre souveraineté numérique et démocratique", a-t-il prévenu.
Du côté du gouvernement, les avis sont plus partagés. La ministre de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher avait affirmé dans une interview aux Échos ne pas exclure d’office Huawei du territoire français concernant la 5G. Le 1er septembre, Emmanuel Macron désireux de ne pas "stigmatiser" Huawei a expliqué la stratégie française. "Aucune entreprise, quelle que soit sa nationalité, n’est visée mais la volonté est affirmée, alors que nous avons deux fournisseurs européens - Ericsson et Nokia - d’avoir une vraie solution industrielle européenne, pleinement sécurisée, sous nos législations parce qu’il en va de la sécurité de nos communications et de la sécurité de nos réseaux 5G", a dit le président de la République devant 70 journalistes de l’Association de la presse présidentielle.
La 5G provoque des levées de boucliers en France
Si le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton, affirme que l'UE "n'est pas en retard" sur la question, il a, à maintes reprises, rappelé l'importance de préserver la "souveraineté technologique" de la zone. Pour l’instant, les soutiens accordés aux entreprises européennes semblent bien trop faibles pour faire émerger un géant capable de concurrencer Huawei.
Le 22 décembre, la France a annoncé soutenir un projet de 5G souveraine portée par l'Institut de recherche technologique (IRT). Le soutien public sera de 30 millions d'euros sur 7 ans. L'objectif de l'IRT est de développer une 5G pour les réseaux privés, en particulier pour les industriels.
Je l’avais dit en juillet aux salariés de #Nokia : nous ne laisserons pas #Lannion et ses savoir-faire mourir à petit feu.
Avec Frédérique Vidal, je suis heureuse d’annoncer aujourd’hui le soutien de l’Etat au projet #5Gsouveraine présenté par l’@IRT_BCom. pic.twitter.com/fEGwTeCCCg— Agnès Pannier-Runacher (@AgnesRunacher) December 22, 2020
Reste qu'en France notamment, l’acceptation sociale autour de la 5G et de ses impacts environnementaux n’est pas à un bon niveau. Prudentes, plusieurs grandes villes françaises comme Paris, Nantes ou Lille, ont lancé des consultations citoyennes avant de se positionner.
Marina Fabre, @fabre_marina avec AFP