Publié le 07 décembre 2016
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Lutte contre l’évasion fiscale dans l’UE : du mieux, surtout pour la France
Un bilan en demi-teinte mais meilleur que l’année dernière. Eurodad rend aujourd’hui son rapport sur la lutte contre l’évasion fiscale dans l’Union européenne. En 2015, la France était pointée du doigt pour son immobilisme. Cette année, elle montre la voie en matière de transparence.

Eric Lalmand / Belga Mag / Belga / AFP
Le bilan global est mitigé mais des progrès sont à noter. Le réseau d’ONG Eurodad publie la quatrième édition de son rapport sur la lutte contre l’évasion fiscale dans l’Union européenne. Dix huit pays sont passés au crible.
Côté français, "on observe des bons signes", analyse Lucie Watrinet, chargée de plaidoyer financement du développement au CCFD Terre-Solidaire. Mauvaise élève l’année dernière, la France "semble en partie retrouver son rôle moteur" en matière de transparence.
Reporting fiscal : "La France montre la voie"
L’adoption, le 30 septembre dernier, d’un reporting fiscal pays par pays en open data, joue en sa faveur*. Même si les ONG ne sont "pas très satisfaites" de cette loi, elle reste "une première en Europe". "La France a montré la voie", note Manon Aubry, responsable du plaidoyer Justice fiscale et inégalité à Oxfam France.
Autre avancée : la loi Sapin 2 oblige désormais la création de registres publics pour les bénéficiaires effectifs, les réels propriétaires de société. Dans le viseur : les sociétés écrans. Et la France n’est pas la seule à avoir avancé sur le sujet. "Le nombre de pays opposés à la transparence sur les bénéficiaires effectifs est désormais moins important que le nombre de pays en sa faveur", notent les auteur.e.s de l’étude.
Explosion des rescrits fiscaux
Sur le fond, les pays tendent vers plus de transparence. Un progrès comparé à 2015. Mais la lutte contre l’évasion fiscale pêche encore dans de nombreux domaines. Le nombre de rescrits fiscaux, ces accords entre une administration et une entreprise, ont explosé de… 250% entre 2013 et 2015. "Ces accords ne sont pas forcément nocifs, mais cela nous inquiète parce que nous n’avons pas accès à l’information", explique Lucie Watrinet.
En toile de fond : le scandale LuxLeaks. Les trois lanceurs d’alerte Antoine Deltour, Raphaël Halet et Edouard Perrin ont, en novembre 2014, rendu public des accords fiscaux très avantageux conclus entre le fisc luxembourgois et des entreprises multinationales comme Apple, Ikea ou Amazon.
Impact négatif sur les pays en développement
Enfin, les ONG d’Eurodad pointent des conventions fiscales désavantageuses pour les pays en développement. La France est particulièrement pointée du doigt : parmi tous les pays analysés, elle est celui qui a signé le plus de conventions fiscales avec des pays en développement. Mais "contrairement aux Pays-Bas, elle ne se soucie pas de savoir si elle a un impact positif ou négatif sur les pays en développement, estime Lucie Watrinet. Ces conventions peuvent avoir un effet dévastateur parce qu’elles sont souvent négociées de manière à réduire les bases taxables des entreprises."
Sur le sujet, les ONG demandent la création d’un organisme fiscal intergouvernemental sous l’égide des Nations Unies, et plus seulement de l’OCDE. Mais la France n’y est pas favorable.
*Mise à jour le 9 décembre 2016 à 12h : Le Conseil Constitutionnel a finalement invalidé l'obligation faite aux entreprises de réaliser un reporting pays par pays public.