Publié le 09 mai 2019

GOUVERNANCE D'ENTREPRISE

Assemblées générales : les actionnaires se rebellent

Bayer, Barclays, UBS… La saison des assemblées générales connaît déjà quelques soubresauts, avec des actionnaires qui votent contre les dirigeants et leur demandent d’être plus responsables. L’activisme actionnarial se renforce pour mettre les entreprises face à leurs responsabilités, notamment sur la question du climat. Les entreprises commencent à écouter...elles doivent maintenant passer à l’action.

Les actionnaires de Bayer ont voté contre le quitus aux dirigeants de l'entreprise.
@Bayer

Un petit air de révolte se fait sentir chez les actionnaires des grandes entreprises. La saison des assemblées générales commence à peine et, déjà, des dirigeants ont reçu de sévères avertissements. L’assemblée générale de Bayer, le 26 avril, s’est terminée par un vote sanction contre le management de l’entreprise, après 13 heures de réunion marathon. Le rachat du groupe américain Monsanto et ses multiples controverses sur son impact négatif sur l’environnement s’est traduit par une chute de près de 40 % du cours de l’action Bayer. Les actionnaires ne l’ont pas digéré, ils se sont prononcés à 55 % contre le quitus au management.

Même chose chez UBS. La décharge des managers de la banque suisse n’a pas été votée non plus lors de l’assemblée générale du 2 mai. Cette fois, c’est l’amende record de 3,7 milliards d’euros infligée par le Tribunal de grande instance de Paris à UBS pour le système de facilitation de l’évasion fiscale de Français fortunés qui a déclenché la colère des petits porteurs.

Dans ces deux cas, les actionnaires ont pris la mesure de leur pouvoir en n’hésitant pas à utiliser leur arme ultime, en votant contre les dirigeants. Ils ont sanctionné des pratiques qu’ils ont jugées irresponsables et qui ont eu un impact direct sur la valeur de l’entreprise. Les exemples pourraient se poursuivre dans les prochaines semaines. Comme chez EssilorLuxottica, où des investisseurs et des actionnaires salariés ont déposé une résolution pour nommer des administrateurs indépendants et mettre fin à la crise de gouvernance. Une action rare en France, où il faut au moins 0,5 % du capital d’une société du CAC 40 pour déposer une résolution, quand aux États-Unis, la détention de l’équivalent de 2 000 dollars de capital suffit.

Augmentation du nombre d’actions

La question climatique cristallise déjà depuis plusieurs années l’engagement actionnarial. Et la tendance se renforce. "Il n’y a aucun doute sur le fait que l’on assiste à une augmentation du nombre d’actions et du nombre d’actionnaires impliqués", assure Louise Rouse, une consultante britannique spécialisée dans l’accompagnement des campagnes d’engagement actionnarial, anciennement chez ShareAction. Les entreprises ne peuvent plus rester insensibles à cette pression, d'autant qu'elle est devient multiple, avec la multiplication des mouvements citoyens en faveur du climat.

"Les dirigeants voient ces mouvements et s’inquiètent pour l’acceptabilité sociale de leurs activités", assure Louise Rouse. L’assemblée générale de la banque Barclays, qui s’est tenue après plusieurs jours de manifestation pour le climat à Londres, le démontre. "Il y a eu une dizaine de questions sur le changement climatique et c’est la première fois que le directeur général en parlait", se réjouit-elle.

Le travail de fond mené par les investisseurs responsables ou par les ONG finit donc par payer. "Nous avons reçu une réponse positive à l’une de nos questions posées à l’assemblée générale d’Axa, confie Lucie Pinson, référente de la campagne Finance privée des Amis de la Terre. Axa va étendre sa politique de désinvestissement adoptée en 2017 à la gestion pour tiers." De leur côté, des compagnies pétrolières comme BP ou Shell déclarent désormais vouloir s’aligner sur les engagements de l’accord de Paris.

Encore des efforts

Toutes les entreprises ne réagissent pas de manière positive à cet activisme des actionnaires. Les sociétés américaines sont souvent plus réticentes que les européennes. "Cela tient aussi aux décideurs politiques, analyse Louise Rouse. Aux États-Unis, les entreprises sont moins sous pression sur la question climatique." ExxonMobil n’a ainsi pas hésité à saisir le gendarme de la Bourse pour empêcher une résolution déposée par les actionnaires relative au climat. Sans se démonter, les mêmes actionnaires ont entamé une campagne auprès des autres actionnaires pour voter contre le conseil d’administration.

Même parmi celles qui se montrent à l’écoute de leurs actionnaires engagés, des efforts restent encore à faire. Malgré leurs engagements pour s’aligner sur l’accord de Paris, BP ou Shell continuent d’investir dans de nouveaux champs pétroliers. "Nous arrivons à un moment où des entreprises commencent à avoir le bon discours sur leur stratégie, remarque Louise Rouse. Maintenant, nous attendons des actions."

Arnaud Dumas @ADumas5


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