Publié le 05 octobre 2021

GOUVERNANCE D'ENTREPRISE

La panne historique de la galaxie Facebook illustre les dérives d'un quasi-monopole

Pendant de longues heures, du 4 au 5 octobre, l'empire Facebook est tombé. Les applications Instagram, Messenger ou Whatsapp inaccessibles, ont laissé sur la touche des milliards d'individus, illustrant la domination qu'exerce Facebook sur internet. Dans certains pays en développement, très dépendants de ces canaux pour communiquer ou commercer, l'impact social et économique est sérieux et questionne le modèle de ce géant du Web.

Facebook panne monopole David Himbert Hans Lucas Hans Lucas via AFP
La panne a été réparée vers 00h20 heure française le 5 octobre.
David Himbert / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Instagram Down. WhatsApp Down. Facebook Down. La panne est historique, du jamais vu depuis 2008, lorsque le réseau avait subi un important bug. Cette fois, selon le site spécialisé downdetector.com, la panne de la galaxie Facebook, qui est apparue vers 17h en France le 4 octobre, est sans précédent du fait de son ampleur et de sa durée. Facebook, qui s’est dit "au courant" des "difficultés" à accéder à ses applications a présenté "ses excuses" et assuré mettre tout en œuvre pour régler la panne. Cette dernière, selon Jane Manchun Wong, spécialiste de Facebook, citée par Numerama, pourrait être liée à un problème de DNS (Domain Name System) qui permet de lier nos adresses IP à un site web.

La réaction ne s’est pas fait attendre à Wall Street. Le cours, déjà en baisse en début de séance, a chuté de près de 6%. Il faut dire que Facebook traverse une crise réputationnelle d’ampleur depuis deux semaines. Plusieurs documents internes de la plateforme, qui compte plus de 3 milliards d’utilisateurs mensuels, ont fuité par l’intermédiaire d’une lanceuse d’alerte, ancienne ingénieure en chef de produit chez Facebook, Frances Haugen. Dans un entretien publié par le magazine d’information CBS, l’ex membre de Facebook accuse le réseau de "trahir la démocratie pour protéger ses revenus" en ayant notamment choisi de désactiver, après l’élection présidentielle américaine, les dispositifs permettant de lutter contre la désinformation et la haine en ligne.

"La création d'un monopole monstrueux"

Parallèlement, Facebook est dans le viseur de l’autorité américaine de la concurrence (FTC) qui tente d’enrayer le pouvoir des géants du numériques. L’institution s’intéresse aux acquisitions trop petites pour faire l’objet d’une enquête en amont mais qui finissent par peser lourd. "Je considère les acquisitions en série comme une stratégie à la PacMan", a indiqué Rebecca Slaughter, membre démocrate de l'autorité, en référence au jeu vidéo des années 1980 où un personnage sphérique grignote le plus de bonbons possibles avant de se faire attraper. "Chaque fusion, prise indépendamment des autres, peut sembler relativement insignifiante, mais l'impact total de centaines de petites acquisitions peut conduire à la création d'un monopole monstrueux", a-t-elle expliqué dans un communiqué.

Et la panne d’ampleur du 4 octobre illustre parfaitement cette situation. En tombant, l’empire Facebook, l’une des plus grandes entreprises technologiques du monde, a des conséquences très sérieuses, notamment dans les pays en développement où la plateforme est le seul canal de communication. "Si le comportement monopolistique de Facebook avait été contrôlé au moment où il aurait dû l’être (peut-être au moment où il a commencé à acquérir des concurrents comme Instagram), les continents de personnes qui dépendent de WhatsApp et Instagram pour communiquer ou faire du commerce se porteraient bien en ce moment. Brisez-les", a intimé sur Twitter l’élue démocratie de New York, Alexandria Ocasio-Cortez.

En 2020, une étude de l’université d’Oxford publiée dans la revue the Internet Policy Review prévenait : "La disparition d'une plateforme mondiale de communication en ligne telle que Facebook pourrait avoir des conséquences sociales et économiques catastrophiques pour les innombrables communautés qui dépendent de la plateforme au quotidien ainsi que pour les utilisateurs dont Facebook collecte et stocke les données personnelles." En 2019, lors de l'acquisition de WhatsApp et Instagram par Facebook, Chris Hughes, qui a aidé Mark Zuckerberg à lancer le réseau social, appelait lui-même au démantèlement de la firme. 

Marina Fabre, @fabre_marina avec AFP


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