Publié le 5 janvier 2024

Six dirigeants des fédérations de tennis, d’équitation, de judo, de sports de glace et de football ainsi que le dirigeant de l’INSEP sont accusés de parjure par la Commission d’enquête parlementaire. Elle publiera son rapport mi-janvier mais l’onde de choc est déjà là. Alors que les JO 2024 étaient supposés témoigner de l’exemplarité française, ils sont déjà une source de controverses diverses qui compromettent l’image de grande fête sportive, durable et inclusive, vendue par la candidature de Paris.

La centaine d’auditions sous serment des principaux dirigeants des mouvements sportifs français devant la Commission parlementaire, chargée d’enquêter sur leurs défaillances en termes de gouvernance, de pilotage financier mais aussi de lutte contre les violences sexuelles et morales, ont fait émerger de nombreuses approximations. La Commission a vérifié et constaté que les affirmations d’au moins six d’entre eux relevaient du parjure. Cette information, révélée par Le Monde, a conduit à un signalement à la justice en application de l’article 40 du code de procédure pénale. Ce délit peut être puni de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amendes sauf si l’auteur du faux témoignage “se rétracte spontanément avant le lancement de la procédure”.   
Cela n’a pas été le cas pour Gilles Moretton, le président de la Fédération française de tennis (FFT) dont le parjure concerne des éléments financiers. Ces-derniers portent à la fois sur des soupçons de corruption et de détournements de biens publics liés à la billetterie de Roland Garros et sur la rémunération de l’ancienne directrice générale de la Fédération qui est l’actuelle ministre des Sports, Amelie Oudéa-Castera. Sur le premier point, le Parquet National Financier (PNF) a ouvert une enquête cet été. Sur le second, la ministre est revenue sur ses premières déclarations et échappe ainsi au parjure, selon Le Monde.

Moment d’anthologie


Les investigations de la Commission sont compliquées. Sa rapporteuse, la députée écologiste des Hauts-de-Seine, Sabrina Sebaihi, a dû se déplacer par deux fois auprès du ministère des Sports pour obtenir des documents, et de nombreuses auditions n’ont pas pu avoir lieu dont celles des dirigeants du COJOP, le comité paralympique, ciblés par une enquête du PNF sur des accusations de “trafic d’influence” et de favoritisme pour “atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics et contrats de concession”. Ces affaires qui touchent les fédérations des sports et les organisateurs des JO, se déroulent dans un contexte où Anticor, l’une des principales organisations françaises de lutte contre la corruption, vient de perdre son agrément
Sur les violences sexuelles envers les athlètes, le signalement de parjure des dirigeants concerne plutôt leurs propos embarrassés ou allusifs. La loi du silence qui a motivé le lancement de la Commission d’enquête parlementaire, reste très puissante. L’audition du directeur juridique de la Fédération française de football (FFF), Jean Lapeyre, à propos des comportements sexistes de Noël Le Graët “qu’il croisait à peine” est un moment d’anthologie de “je n’ai rien vu, ni entendu” alors qu’on lui rappelle qu’il est sous serment. Il fait partie des personnes signalées pour parjure et consent simplement à reconnaitre qu’il savait que l’ancien président de la FFF “était formaté à l’ancienne et n’intégrait pas les nouveaux codes des relations hommes-femmes”.

Haro sur les JO


Toute la difficulté pour le mouvement sportif va être dans les mois qui viennent de faire coller leurs engagements avec la réalité des pratiques et des résultats. En 2023, ils avaient largement prouvé que leurs engagements RSE restaient plutôt lettre morte. Feront-ils mieux en 2024 à travers les Jeux Olympiques ?
Une chose est sûre c’est que les engagements, très visibles jusque-là, de mettre “héritage et durabilité au cœur du projet pour inspirer de nouveaux standards et changer la société à travers une lame de fond qui permettra de révéler au plus grand nombre les bienfaits du sport pour la santé, l’éducation, et l’inclusion…” ont disparu.
En 2024, le site Internet des JO ne met plus l’accent que sur la billetterie ! Il est sans doute plus prudent de préférer le rôle de garant du bénéfice économique de l’évènement que celui d’agent de transformation durable de la société avec des dirigeants de fédérations qui ont tant de mal à repenser leurs pratiques !
Anne-Catherine Husson-Traore, directrice des publications de Novethic

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