Publié le 21 mars 2018
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
GAFA: la Commission propose une nouvelle taxe sur les géants du Net
L'UE a lancé mercredi une offensive pour mieux taxer les géants du net, dont Facebook éclaboussé par un scandale sur la protection des donnée, ou Google. Ce projet de la Commission européenne qui consiste notamment à taxer le chiffre d'affaires des géants du net (GAFA) est cependant un dossier sensible. Explications.

© European Union 2018
"Il n’est plus tolérable que ces entreprises — peu importe leur nationalité — ne paient qu’un montant dérisoire d’impôt sur les sociétés en Europe". C’est ce que déclaraient dans une tribune commune parue mardi dans Libération le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, et le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici.
Les nouvelles règles proposées aujourd’hui par la Commission européenne permettront-elles de changer la donne ? Dans le collimateur de l’Union européenne : les recettes publicitaires des groupes tirées des données de leurs utilisateurs - le modèle de Facebook, Google ou Twitter -ou les revenus provenant de la mise en relation d'internautes pour un service donné - celui d'Airbnb ou Uber.
Taxer les revenus et non les bénéfices
Dans un premier temps, l'exécutif européen préconise de taxer à 3 % les revenus (et non les bénéfices, comme le veut l'usage) générés par l'exploitation d'activités numériques. Cette taxe, ne visera que les groupes dont le chiffre d'affaires annuel mondial dépasse 750 millions d'euros et dont les revenus dans l'UE excèdent 50 millions d'euros.
Les petites start-up européennes qui peinent déjà à rivaliser avec les mastodontes américains ne seront pas donc concernées par cet impôt indirect. Ni les entreprises dont le "business model" repose sur les abonnements, comme Netflix, ou celles qui gagnent de l'argent grâce au commerce électronique, type Amazon.
Une mesure dans un contexte tendu avec les USA
Au total, entre 120 et 150 entreprises devraient être affectées par ce nouvel impôt: la moitié seront des Américaines, un tiers Européennes et le reste Asiatiques, essentiellement Chinoises, précise la Commission. La taxe pourrait rapporter environ 5 milliards d'euros par an.
Ces nouvelles règles, qui vont directement affecter les géants du web américains, interviennent aussi dans un contexte déjà tendu avec les Etats-Unis, sur fond de guerre commerciale sur l’acier. "Il ne s'agit en aucun cas d'une mesure anti-américaine", avait tenu a assurer M. Moscovici, dans un entretien à l'AFP lundi. Cependant avant même que Bruxelles ne dévoile ses projets, le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin, avait mis en garde l'Europe: "les Etats-Unis s'opposent fermement aux propositions de quelque pays que ce soit de cibler les compagnies numériques" par une taxation spéciale.
Les européens divisés
La taxation des géants du numérique est un dossier ardemment défendu par le président français Emmanuel Macron. Considéré comme prioritaire par la Commission européenne, il est au menu jeudi soir du sommet européen des 28 chefs d'Etats et de gouvernement de l'Union européenne à Bruxelles.
Mais tous les pays ne sont pas au diapason…Pour la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni -les cinq membres du G20 appartenant à l'UE- les choses ne vont pas assez vite au niveau international. Ils poussent donc pour une solution d'abord européenne, afin de donner l'exemple au reste du monde.
Un premier pas avant une réforme de fond
De leur côté, les plus petits États tels que l'Irlande, les Pays-Bas, le Luxembourg, connus pour leur fiscalité bénéfique vis-à-vis des entreprises sont beaucoup plus réticents à une initiative purement européenne. L'Irlande, qui a réussi à attirer le siège européen de Facebook avec ses taux d'imposition avantageux, ou le Luxembourg, pays d'accueil d'Amazon, plaident ainsi une solution internationale, coordonnée par l'OCDE. Or, dans l'Union, toute réforme sur la fiscalité requiert l'unanimité.
Derrière cette mesure ciblée, c’est aussi une réforme de fond visant à faire face aux stratégies d'évasion fiscale des multinationales qui est envisagée par la Commission. M. Moscovici a proposé une réforme plus de fond des règles relatives à l'imposition des sociétés qui prendrait le relais de la première proposition de "court terme".
Cette réforme permettrait aux pays de l'UE de taxer les bénéfices qui sont réalisés sur leur territoire, même si une entreprise n'y est pas présente physiquement. L'objectif est d'établir un standard européen définissant la présence numérique des sociétés, pour mieux les imposer, à l'aide de trois critères: revenus, nombre d'utilisateurs et contrats -publicitaires par exemple - signés avec une autre entreprise.
La rédaction avec AFP