Publié le 02 mars 2021
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Danone perd sa direction monolithique et fait progresser la gouvernance partagée
Emmanuel Faber, le PDG de Danone, était la cible de fonds activistes actionnaires de l’entreprise française. Ils demandaient sa tête mais lors d’un conseil d’administration organisé le 1er mars 2021, ils n’ont obtenu que la séparation des fonctions de direction. Dans quelques mois, Emmanuel Faber ne gardera que le P de son titre de Président-directeur général. Une évolution logique car le mode de gouvernance partagée est plus adapté à la complexité de l’époque.

@Danone
Danone est une entreprise emblématique a bien des titres que son PDG, Emmanuel Faber, incarne dans toutes ses dimensions. Leader français de l’alimentation saine, de l’eau et des produits laitiers, l’entreprise à mission est dirigée par un homme qui plaide ardemment pour plus de justice sociale. Il a renoncé de son propre chef à sa retraite chapeau en 2019 mais il a surtout porté ce message, il y a cinq ans, à HEC lors d’un discours devenu célèbre en hommage à son frère schizophrène. Vibrant plaidoyer pour l’humilité et la fraternité avec tous ceux qui n’ont "ni gloire, ni argent, ni pouvoir".
Ce discours a finalement résonné auprès de celui qui l’a prononcé. Emmanuel Faber a demandé à son conseil d’administration le 1er mars 2021 de séparer les fonctions de PDG qu’il occupait depuis 2017. Il restera Président quand l’entreprise aura trouvé son Directeur général ou sa Directrice générale. Il conserve donc le pilotage du groupe qui traverse une forte zone de turbulences.
L’entreprise fait face à une crise relative, essentiellement parce que ses performances boursières sont mauvaises et ses résultats économiques en deçà de celles de ses deux principaux concurrents, Nestlé et Unilever. Le conseil d’administration de Danone vient donc d’admettre que face à des temps difficiles, il est plus raisonnable de privilégier un mode de gouvernance partagée. Le PDG, figure de "surhomme" providentiel, n’a plus le vent en poupe et se fait plus rare au sein du SBF 120. L’Oréal va passer à une direction bicéphale en juillet prochain, le réassureur Scor en 2022 tout comme Valéo. Selon ISS, les entreprises du S&P 500 qui ont adopté ce régime sont passées de 30 % en 2005 à 53 % en 2019.
Mode de gouvernance plus performant
Ce mode de gouvernance n’est pas obligatoire mais fortement recommandé en cas de crise. De la même façon qu’il faut un pilote et un copilote dans un avion pour protéger la vie de quelques centaines de passagers, il semble logique de prévoir que plus d’une personne veille sur le travail de centaines de milliers de salariés. C’est encore mieux si elles sont choisies par des conseils d’administration où règne une vraie diversité, en termes de genre comme d’origine. Un rapport publié par Bloomberg en décembre 2020 a montré qu’une proportion d’au moins 30 % de femmes dans le conseil d’administration des secteurs de l’énergie du pétrole et de l’extraction minière apportait une meilleure prise en compte de la gouvernance climatique et favorisait l’innovation
L’étude ne portait pas sur le secteur alimentaire mais le recours à l’innovation semble d’autant plus indispensable à Danone qu’il va lui falloir redresser son activité eau, lourdement pénalisée par la crise du COVID 19. Le défi est de réinciter à la consommation tout en tenant ses engagements de préservation des ressources en eau et d’en finir d’ici 2025 avec les emblématiques bouteilles en plastique, symbole d’une pollution environnementale à éradiquer.
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic