Publié le 08 novembre 2019
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Les actionnaires du géant minier BHP accentuent leur pression pour faire sortir l'entreprise du charbon
Pour les actionnaires les plus engagés en faveur de la transition écologique, l’entreprise minière BHP, l’un des géants mondiaux du secteur, doit quitter les associations de lobbying en faveur du charbon. Près d'un tiers de ses actionnaires ont voté une résolution en ce sens. Mais selon le PDG du groupe, quitter ces groupements professionnels ne permettra pas d’orienter le secteur industriel vers un monde bas carbone.

@BHPBilliton/Newman
[Mis à jour le 8 novembre 2019] Ce sont deux philosophies qui ont opposé les actionnaires de l’entreprise minière anglo-australienne BHP et son PDG Andew McKenzie. Lors de l’Assemblée générale du groupe à Londres le vendredi 18 octobre, 22 % actionnaires, dont l’Église d’Angleterre et Aberdeen Standard Investments, ont soutenu une résolution que la direction avait appelé à rejeter. Le 8 novembre, la pression a encore cru alors que 29,58 % des actionnaires ont voté la résolution lors de l'Assemblée à Sidney.
Il s’agit pour l’entreprise de quitter tous les groupes de lobbying qui n’œuvrent pas en faveur de l’Accord de Paris, en particulier celles qui soutiennent le charbon. BHP n'y est donc pas contrainte mais ce score élevé n’en fait pas moins peser une forte pression sur la direction. "Le vote consultatif envoie un signal sans équivoque au conseil d'administration de BHP", juge Adam Matthews, directeur éthique et engagement pour Church of England. "Le lobbying négatif se poursuit malgré les promesses faites par BHP en 2017 selon lesquelles les organisations professionnelles devraient cesser de faire du lobbying lorsque ses membres ne sont pas alignés" sur l’Accord de Paris, ajoute-t-il.
Ne pas s’isoler
En effet, il y a deux ans, une telle résolution avait déjà été votée et n’avait, à l’époque, été soutenue que par 8 % des actionnaires britanniques. Cela avait pourtant suffi à pousser la multinationale à annoncer son retrait de l’Association Mondiale du Charbon (World Coal Association), la plus grande organisation de lobbying de la planète. Mais désormais, ce sont deux autres groupes qui sont dans le viseur des actionnaires : Minerals Council of Australia, premier lobbyiste du pays sur le charbon, et Coal21, qui promeut les technologies de capture du CO2 associées au charbon.
Pour Andew McKenzie, se retirer de toutes ces associations n’est pas une bonne stratégie. "Le changement climatique est un problème complexe", a-t-il déclaré. "Si nous voulons développer avec succès des solutions, nous devons collaborer au sein de notre secteur d’activité et plus largement, nous ne pouvons pas le faire seuls et nous ne devrions pas être contraints de nous isoler. Les associations industrielles constituent un forum vital pour cette collaboration", assure-t-il.
Un monde demandeur de métaux
Il ajoute même que les compagnies minières sont "les locomotives qui nous conduiront vers notre futur bas carbone", arguant qu’un monde décarboné demande bien plus de métal qu’un monde fossile. Une rhétorique habituelle du groupe, souvent dénoncée comme du greenwashing par des opposants. En 2017, la Banque mondiale confirmait que les renouvelables et les voitures électriques pourraient consommer "significativement plus de ressources que les systèmes traditionnels basés sur les énergies fossiles".
Si BHP refuse de quitter pour l’heure toutes les organisations de lobbying sur le charbon, l’entreprise a toutefois décidé de lever le pied sur la production de charbon thermique (pour la production d’électricité), pour se concentrer plutôt sur le charbon à coke (utilisé pour la production d’acier). En juin dernier, dans une présentation devant des investisseurs, le directeur financier Peter Beaven a expliqué que le groupe ne voulait plus croître dans ce secteur et préciser que le charbon thermique allait être "éliminé progressivement, potentiellement plus tôt que prévu".
Ludovic Dupin @LudovicDupin