Publié le 12 mars 2019
L’histoire se souviendra peut-être du 8 mars 2019 comme celui où l’un des plus gros actionnaires du monde, le fonds norvégien, a annoncé qu’il cessait d’investir dans les "compagnies d'exploration et de production" pétrolières pour des raisons financières !

Après deux ans de débats politiques intenses autour de l’exclusion des énergies fossiles par un pays qui en tire 20 % de ses revenus, le gouvernement norvégien a arbitré entre plusieurs scénarios. Il a finalement décidé de vendre pour 7,5 milliards de dollars d’actions d’entreprises classés par l’indice FTSE Russel comme producteurs de pétrole. Il conserve, en revanche ses actions des majors plus diversifiées comme Total. Enfin pour l’instant !
La décision du gouvernement norvégien va peser lourd sur une dimension capitale de l’activité pétrolière : son poids financier. Non seulement les grandes compagnies sont encore les piliers des grands indices boursiers – Total est la seconde valeur du CAC 40 -, mais le pétrole brut est également l’un des produits les plus négociés au monde, celui qui innerve le trading financier.
Les stranded assets
"Le prix du pétrole brut, hautement volatile, influe sur le prix de nombreux autres actifs, notamment les actions, les obligations, les devises et même d’autres produits de base. Pourquoi ? Parce qu’il reste une source d’énergie majeure pour le monde, malgré l’intérêt accru pour le secteur des énergies renouvelables", peut-on ainsi lire début 2019 sur un site dédié aux fondamentaux du trading boursier.
Avec cette décision, le fonds norvégien vient donc de consacrer le concept de "stranded assets", c’est-à-dire les menaces de dépréciation massive de la valeur boursière des compagnies liées aux énergies fossiles. Théorisé en 2011 par le think tank britannique Carbon Tracker, le risque de stranded assets est pris au sérieux par la communauté financière depuis le discours fondateur de Mark Carney devant l’assureur britannique Lloyds en septembre 2015. (Il a été traduit en français par Michel Lepetit, président de Global Warming). L’ancien président du conseil de stabilité financière du G20 rappelait que "les risques financiers engendrés par un processus d’ajustement cers une économie moins carbonée pourrait menacer la stabilité financière globale".
Viabilité des stocks
Le gouvernement norvégien n’a pas mis le climat au premier rang des facteurs justifiant sa décision mais elle va vraisemblablement susciter un "débat intense au sein de la communauté des investisseurs sur la viabilité financière des stocks de pétrole". Ce débat est la clef pour parvenir à réorienter les flux financiers vers une économie bas carbone et réaliser une transition énergétique massive, indispensable pour respecter l’Accord de Paris.
Si le monde utilise la totalité des réserves pétrolières prouvées, le réchauffement climatique pourrait atteindre les six degrés à la fin du siècle sans difficulté. Un pari impossible pour l’économie mondiale sur laquelle il faut espérer que les traders internationaux cesseront un jour de miser !
Anne-Catherine Husson-Traore,  @AC_HT, Directrice générale de Novethic

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