Publié le 13 mars 2019
FINANCE DURABLE
Catastrophes naturelles : les assureurs cherchent de nouveaux moyens de financement
Le monde de l’assurance doit faire face à des coûts liés aux catastrophes naturelles de plus en plus élevés. Les Cat’ Bonds, ces obligations catastrophe émises sur les marchés financiers, suscitent justement un fort regain d’intérêt de la part des assureurs. Le marché a explosé les compteurs en 2018, avec près de 14 milliards de dollars de Cat’ Bonds émis dans le monde. Et la tendance devrait continuer en 2019.

@Brandon Perdue
Ouragan Michael en octobre 2018 aux États-Unis : 10 milliards de dollars d’indemnisation par les assurances. Les feux de forêts en Californie : 12 milliards de dollars. Le typhon Jebi en septembre au Japon : 8,5 milliards de dollars. Face à l’augmentation du coût des catastrophes naturelles, les assureurs doivent se mettre en quête de nouveaux outils de financement.
Les "Cat’ bonds", abréviation de "catastrophe bonds" ou obligations catastrophe, connaissent justement un succès grandissant. Ces instruments financiers permettent de faire supporter le risque d’indemnisation des désastres naturels aux marchés financiers. Ils offrent une alternative aux réassureurs, ces compagnies dont le métier consiste à assurer les assureurs.
L’année 2018 s’est achevée sur un record en termes d’émission de nouvelles "obligations catastrophe". Selon Artemis, le site britannique spécialisé dans les données des produits d’assurance alternatifs, le marché a dépassé les 13,8 milliards de dollars, en progression de 10 % par rapport à l’année 2017… qui détenait le précédent record (12,5 milliards de dollars). Il n’avait, auparavant, jamais dépassé les 10 milliards de dollars. Les encours totaux atteignent 37,8 milliards de dollars en 2018.
Des rendements attractifs
Les événements naturels majeurs surviennent en effet de plus en plus fréquemment, l’année 2018 étant la troisième année consécutive à dépasser le seuil des 200 milliards de dollars de pertes, selon Aon. Le monde de l’assurance ne peut plus en supporter le coût tout seul. En 2018, la facture a atteint 225 milliards de dollars.
Pour les investisseurs dans ces obligations, c’est quitte ou double. Concrètement, un assureur émet un Cat’ Bond sur les marchés pour financer le risque d’indemnisation d’un événement naturel de dimension systémique. Les fonds collectés ne pourront être utilisés que si une catastrophe survient. Les investisseurs (fonds de pension, banques, voire assureurs et réassureurs) ayant souscrit à l’émission obligataire, peuvent alors perdre leur mise.
Après deux années 2017 et 2018 où les coûts économiques liés aux catastrophes naturelles n’ont jamais été aussi élevés, les investisseurs risquent donc de voir leurs investissements passer par pertes et profits. Mais ils auront encaissé entre-temps des taux d’intérêt plus élevés que la moyenne. Ce qui est intéressant dans un univers de taux bas… Preuve en est : l’année 2019 repart sur les chapeaux de roues, avec déjà 1,5 milliard de dollars émis.
"Plusieurs événements naturels ont impacté les réassureurs, qui ont eu moins d’appétit pour ces risques, explique Laurent Bonnet, directeur du pôle financements alternatifs chez le courtier Gras Savoye Willis Towers Watson. Les marchés financiers, eux, sont attirés par les rendements élevés de ces instruments."
Diversifier ses sources de financement
Côté assureurs, le recours à ces outils alternatifs permet de ne pas se retrouver coincé si les réassureurs devaient resserrer leurs conditions. "Le marché de la réassurance demeure efficace en France compte tenu de ses tarifs et de sa souplesse, explique Michel Elbilia, responsable réassurance du groupe Covéa. Mais il est important d’avoir une source de diversification. Le marché, ce sont des cycles qui peuvent s’inverser."
L’assureur mutualiste (marques MAAF, MMA, GMF) s’est lancé pour la première fois sur ce marché en 2018. Il a émis une obligation d’un montant de 90 millions d’euros qui contribuera à financer le risque de tempête en France sur la période 2018 à 2022. Ces 90 millions d’euros représentent une goutte d’eau par rapport aux 1,6 milliard d’euros de contrats souscrits auprès des réassureurs traditionnels. Mais elle constitue un test grandeur nature de ce marché.
Enfin, les entreprises de réassurance elles-mêmes ont recours aux obligations catastrophe. Le Français Scor a émis un Cat’ Bond de 300 millions d’euros pour la période 2018-2022. Lui aussi transfère son risque, en faisant peser le paiement des garanties non sur son capital, mais sur les marchés.
Arnaud Dumas @ADumas5