Publié le 22 août 2014
Les investisseurs responsables commencent à s’interroger sur l’optimisation fiscale effrénée des multinationales. Cette stratégie visant à limiter au maximum le paiement d’impôts dans certains pays a longtemps été considérée comme un facteur d’attraction pour les actionnaires. Mais elle devient progressivement un risque : c’est ce que montrent les sanctions des consommateurs et l’analyse des signataires desPrincipes pour l’investissement responsable (PRI).

Plus de 800 signataires des Principes pour l’investissement responsable – PRI – (www.unpri.org), qui s’engagent à intégrer des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans la gestion financière, s’inquiètent des risques que posent les stratégies d’optimisation fiscale effrénée des multinationales. Selon les chiffres de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), certaines d’entre elles ne paient que 5 % de taxes contre 30 % en moyenne pour les petites et moyennes entreprises. C’est particulièrement vrai pour les entreprises numériques
Or ces pratiques deviennent choquantes pour les citoyens consommateurs ; ils se détournent des marques qui les adoptent. En Angleterre par exemple, Amazon n’a versé en 2012 que 0,01 % de taxes pour les 5,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires qu’elle a réalisé. Du coup, Ethical Consumer a appelé les clients britanniques à se détourner du site en ligne dans le cadre de sa campagne sur les taxes équitables. Conséquence: les libraires indépendants ont noté une hausse de leur chiffre d’affaires.

Les abus sanctionnés par les clients



Starbucks, mise à l’index à l’automne 2012 pour ne pas avoir acquitté d’impôts sur les entreprises en Grande-Bretagne les trois années précédentes, a vu son bénéfice reculer pour la première fois en 2013 après 16 années de croissance. Ces signaux, encore faibles, peuvent être amplifiés par les changements de législations qui se préparent au plan national ou européen pour limiter les excès. Les investisseurs responsables qui s’emparent du sujet n’en sont qu’au démarrage de leurs analyses. "Ils commencent à considérer l’optimisation fiscale comme un risque concret, explique Fiona Reynolds, directrice exécutive des PRI. Cela les conduit à poser des questions aux entreprises pour mieux comprendre leur stratégie, et à mesurer son impact."
En France le sujet émerge aussi progressivement. Deux mouvements réunissant des investisseurs responsables ont organisé des réunions publiques sur le sujet pour lancer le débat. En avril, l’association Ethique et Investissement se demandait quelle était la finalité de l’optimisation fiscale et jusqu’où pouvait-elle aller

Poser les limites



En juillet, le Réseau des administrateurs pour l’investissement responsable  (RAIR) organisait une journée de séminaire sur "les pratiques d’évasion et abus d’optimisation fiscale des grandes entreprises cotées". L’un de ses membres, Eric Loiselet, expliquait dans l’Essentiel de l’ISR: "Nous nous intéressons à l’optimisation fiscale excessive parce que les entreprises qui soustraient aux Etats des ressources aussi importantes fragilisent la durabilité des économies des pays dans lesquels elles opèrent. Nous constatons aussi que  la logique de transferts d’actifs entre les filiales des groupes et/ou la  relocalisation de sièges sociaux dans des paradis fiscaux peuvent fragiliser la rémunération des salariés."
Les premières études montrent que l’optimisation fiscale excessive n’est pas l’apanage des entreprises numériques, mais concerne tous les secteurs. Elle devrait donc devenir un thème d’engagement actionnarial important au moins pour obtenir des entreprises un reporting pays par pays des montants des taxes dont elles s’acquittent. 

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