Publié le 21 septembre 2016
ENVIRONNEMENT
Ratification de l’Accord de Paris : avec 60 pays, le premier seuil est franchi
En marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, un événement de haut niveau dédié à l’Accord de Paris était organisé mercredi 21 septembre afin d’amplifier et accélérer la dynamique de ratification d’ici la COP22. 31 nouveaux États ont déposé leurs instruments de ratification, portant le nombre total à 60 pays, au-delà des 55 requis pour l’entrée en vigueur du texte. Reste désormais à atteindre le seuil des 55% d’émissions mondiales couvertes. Avec une question toujours en suspens : l’entrée en vigueur de l’Accord se fera-t-elle avec ou sans l’Union Européenne ?

Novethic / CCNUCC
"Ce qui semblait impossible est désormais inévitable", s’est réjoui Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations Unies, lors de l’événement de haut niveau sur la ratification de l’Accord de Paris, organisé mercredi 21 septembre à New York, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU. "Je suis plus confiant que jamais sur le fait que l'Accord de Paris entrera en vigueur cette année", a-t-il ajouté.
31 représentants d’États (1) se sont succédés à la tribune pour déposer leurs instruments de ratification de l’Accord. Au total, ce sont désormais 60 Parties qui ont ratifié le texte, franchissant le premier seuil des 55 pays requis. Parmi eux, le Maroc qui accueillera la prochaine COP22, du 7 au 18 novembre, ou encore l’Argentine, le Bangladesh, la Guinée, la Mongolie, le Sénégal et les Émirats Arabes Unis (voir notre carte).
"C'est un élan extraordinaire de la part des nations et un signal clair de leur détermination à mettre en œuvre l’Accord de Paris dès maintenant et d’élever l'ambition au cours des décennies à venir", a déclaré Patricia Espinosa, la secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
"L'accord de Paris est sur la bonne voie pour battre des records en tant que traité international le plus rapidement entré en vigueur. C’est le signal que les pays veulent passer à autre chose", a réagi Liz Gallagher, de chez E3G, un cabinet d’experts sur le climat et l’énergie.
De son côté, Paul Polman, le PDG d’Unilever, salut "un important signal attendu par les entreprises. Avec cette orientation claire envoyée par les dirigeants politiques, les entreprises peuvent désormais accélérer leurs efforts pour parvenir à un avenir sobre en carbone".
8% des émissions mondiales pour franchir le second seuil
Reste désormais une seconde étape à franchir pour que la ratification soit actée : couvrir au moins 55% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Actuellement, les 60 pays ayant ratifié le texte représentent 47,62% des émissions. Mais les quelque 8% restants pourraient rapidement être comblés par les pays s’étant engagés à ratifier le texte d’ici la fin de l’année.
C’est par exemple le cas du Canada (2% des émissions mondiales), de la Corée du Sud (1,85%), de l’Australie (1,46%), du Kazakhstan (0,84%), de la Côte d’Ivoire (0,73%) ou encore de l’Inde (4,1%), le 4ème plus gros émetteur, qui, selon la Maison Blanche, devrait également ratifier l’Accord de Paris d’ici décembre.
L’Accord entrera en vigueur trente jours après que 55 États représentants 55% des émissions de gaz à effet de serre mondiales auront ratifié le texte.
Selon le World Resources Institute (WRI), si on prenait en compte tous les pays ayant annoncé leur volonté de ratifier avant la fin de l’année, nous arriverions à un total de 97 pays (dont les 28 États de l’UE) couvrant près de 67% des émissions mondiales.
Vers une entrée en vigueur de l’Accord sans l’UE ?
Se pose toutefois la question de l’entrée en vigueur du texte sans l’Union européenne, 3ème pollueur le plus important avec 12,1% des émissions globales. Un comble pour l’une des Parties les plus mobilisées pendant la COP21 et à la tête de la High Ambition Coalition avec les États insulaires et les États-Unis. Pour l’instant, au sein de l’UE, quatre pays ont fait voter la ratification par leur Parlement : la France, la Hongrie, l’Autriche et la Slovaquie.
Pour que ces ratifications soient prises en compte par les Nations Unies, elles devaient initialement être déposées dans le cadre d’un dépôt conjoint entre l’Union européenne et ses 28 États membres. Mais de peur de rester sur la touche, l’UE est désormais contrainte de revoir sa procédure. Et pour la première fois, elle pourrait ratifier un texte sans que l’ensemble de ses États membres ne l’aient fait auparavant individuellement. Un vote du Parlement européen en ce sens est fixé début octobre, après un Conseil extraordinaire des ministres de l’Environnement le 30 septembre.
François Hollande, le président de la République, avait ainsi déclaré, à l’issue du sommet de Bratislava sur l’avenir de l’UE, le 16 septembre, que "tous les membres de l’UE" étaient désormais "prêts à ratifier le plus vite possible", confirmant ainsi les propos de Ségolène Royal, tenus une dizaine de jours auparavant. La ministre de l’Environnement avait alors expliqué que "plus aucun pays ne conditionnait la ratification au niveau de l’UE au partage des efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Nous pouvons avancer frontalement à la fois sur les ratifications individuelles, sur les ratifications au niveau de l’Union et sur la répartition des efforts", s’était-elle félicitée.
"La ratification ne constitue pas l’unique marqueur en matière d’action climatique"
La Pologne, qui bloquait jusqu’à présent, a ainsi fait savoir au secrétaire général des Nations Unies qu’elle ratifierait l’Accord de Paris d’ici la fin de l’année. Par ailleurs, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la Bulgarie, ont annoncé hier qu’elles feraient de même. Ce qui fait dire à Ségolène Royal, présidente de la COP21, que "l’enjeu est désormais que l’Union dépose ses instruments de ratification auprès de l’ONU avant la COP22 de Marrakech".
"Cela permettrait d’arriver à la COP22 sans que cette question n’occupe toute la place et n’occulte les autres enjeux que sont l’adaptation, le financement, le déploiement des énergies renouvelables, notamment en Afrique, ou encore la structuration de l’agenda de l’action, prévient Pascal Canfin, le directeur du WWF France, au cours d'un point presse. La ratification par les pays ne constitue pas l’unique marqueur en matière d’action climatique."
Ainsi, l’ONG met notamment l’accent sur la prochaine assemblée de l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale), du 27 septembre au 7 octobre, qui doit adopter un mécanisme visant à réduire et compenser les émissions du secteur à partir de 2020. "Ce serait un signal fort, car il serait le 1er secteur économique à prendre des engagements après la COP21 pour une croissance neutre en carbone", précise Pascal Canfin.