Publié le 04 mai 2021

ENVIRONNEMENT

Méfiance vis-à-vis des entreprises et collectivités "neutres en carbone", alerte l'Ademe

La neutralité carbone est à la mode et chacun s'en revendique. Pourtant, dans un rapport publié en mars, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) alerte : ni une entreprise, ni une collectivité ne peut se déclarer neutre en carbone, car cela présente des biais méthodologique et éthique, et peut se révéler contre-productif pour l'atteinte de l'objectif à l'échelle nationale.

CO2 pollution budget carbone pixabay @geralt

@geralt/pixabay

Porsche en 2030, Netflix en 2022, Seb et Volkswagen en 2050... Longue est la liste des entreprises visant la "neutralité carbone". Une bonne nouvelle ? À voir. Dans un rapport publié en mars 2021, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) alerte : la neutralité carbone "ne peut pas s’appliquer à une autre échelle que la planète".

Le principe de la neutralité carbone est assez simple. Il s'agit de séquestrer autant de carbone que n'en émet une entité (entreprise, ville, État...). Cela passe par le recours aux puits de carbone (arbres, sol...), qui vont absorber du CO2. Mais la pratique n'est pas si évidente. Le concept de neutralité carbone à l’échelle d'une entreprise ou d’une collectivité entraîne des biais dans les calculs et même des problèmes "éthiques", explique l'Ademe.

Le bon périmètre d'émission

"Il n'y a pas de consensus sur les critères de la neutralité carbone, confirme Damien Huet, de l'Association Bilan Carbone (ABC). Quand une entreprise se dit neutre, c'est en fonction de ses propres méthodes et périmètres"Ainsi par exemple, fin avril, l'entreprise pétrolière suédoise Lundin Energy affirmait avoir livré une cargaison de pétrole "neutre en carbone" en Italie. Mais Lundin Energy n'a comptabilisé que ses émissions directes. C'est-à-dire celles produites directement par l'entreprise, ce que l'on appelle les Scope 1 et 2. Mais elle n'a pas pris en compte les émissions indirectes, liées à l’utilisation du produit par le consommateur, ce qu'on appelle le Scope 3. Celles-ci représentent environ 80 % des émissions de l'entreprise. Ainsi, "un raisonnement (de neutralité carbone) à une échelle réduite risque donc de conduire les acteurs à ne cibler leurs actions que sur les émissions directes et à exclure de leur démarche la part prépondérante de leurs émissions sur laquelle ils portent pourtant une forte responsabilité" souligne l'Ademe. 

Second souci, pour atteindre la neutralité, Lundin Energy a eu recours à la compensation de ses émissions. L'entreprise a financé des plantations d'arbres. Ces projets, peu coûteux, permettent d'éviter d'investir dans des infrastructures onéreuses pour réduire les émissions réelles de l'entreprise. Mais leur efficacité est variable. Selon l'Oko-Institut, institut allemand de recherche sur l’environnement, 85 % de ces projets ont une "faible probabilité" d’assurer les réductions d’émissions promises. Seuls 2 % remplissaient les critères.

Des inégalités entre les territoires

En réalité, pris à l'échelle globale, la compensation ne peut pas être suffisante pour atteindre la neutralité : "le potentiel de séquestration de nos forêts, de nos sols, etc., que ce soit à l’échelle de la France ou à l’échelle mondiale, n’est pas suffisant pour équilibrer le niveau actuel tendanciel de nos émissions", alerte le rapport de l'Ademe.  

Les territoires sont eux-mêmes inégaux en matière de puits de carbone. Les objectifs de neutralité carbone fixés à l'échelle locale risquent de creuser les inégalités, prévient l'Ademe. Avec un risque d'immobilisme pour les plus performants. Une région qui atteindrait son objectif pourrait être tentée de relâcher ses efforts, ce qui serait contre-productif pour l'atteinte de la neutralité carbone à l'échelle nationale. L'Ademe appelle ainsi les entreprises et les collectivités à indiquer la façon dont elles contribuent à la neutralité carbone de la France, fixée pour 2050. 

 Pauline Fricot, @PaulineFricot


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