Publié le 10 août 2023
ENVIRONNEMENT
Paris sous 50°C : passer à l'heure espagnole et vivre la nuit (1/5)
Cet été, Novethic enquête sur la façon dont Paris s'adapte à un scénario extrême. Les prévisions estiment que des pics de chaleur à 50 degrés y sont désormais envisageable. Face à cela, un changement de nos modes de vie va s'imposer, avec un décalage des horaires de travail, une vie nocturne plus importante et pourquoi pas un passage à l’heure espagnole.

@CC0
"Nous allons devoir passer à l’heure espagnole pour faire face au changement climatique", lance Frédéric Hocquard. L’adjoint au maire de Paris, en charge de la vie nocturne, interrogé par Novethic, porte ardemment cette vision au sein de la capitale, où la température moyenne a déjà passé la barre symbolique des +2°C. "La journée va être de moins en moins supportable, il va donc falloir nous adapter et changer nos modes de vie pour vivre la nuit, au moins pendant une période de l’année, comme le font des pays comme l’Espagne, la Tunisie ou le Mexique", explique-t-il.
Chez nos voisins ibériques, on déjeune entre 14h et 15h, on dîne entre 21h et 22h, et les magasins sont tous ouverts jusqu'à 20 heures passées. Surtout, aux heures les plus chaudes de la journée, généralement de 14h à 17h, on ne croise personne dans les rues, et certains établissements ferment leurs portes. Les salariés peuvent aussi bénéficier des "horaires d’été" et travailler en continu de 8h à 15h. "C’est peut-être ce qu’on va être amenés à faire avec le changement climatique, souligne l’élu parisien. L’autre solution sinon c’est de tout climatiser, mais nous savons que ce n’est pas bon la planète."
Ouvrir les lieux de loisirs la nuit
Dès lors, la mission d’information et d’évaluation, "Paris 50°C : préparer la ville aux méga-canicules", qui a rendu ses conclusions en avril dernier, a fait plusieurs propositions pour multiplier les espaces rafraîchis de proximité, accessibles notamment tout ou une partie de la nuit. Elle propose la création d’une programmation culturelle nocturne spéciale, activée lors des épisodes de nuits tropicales, ou encore l'ouverture prolongée des espaces publics de loisirs rafraîchis la nuit, comme les parcs, les musées et les bibliothèques.
D’ores et déjà à Paris, en cas de canicule, la Ville propose l’accessibilité de certains parcs et jardins toute la nuit. En outre, elle avance sur la fin des grilles autour des parcs et jardins, et environ un quart d'entre eux sont ouverts 24h/24 à l’année. Les gymnases publics sont aussi ouverts plus tard, sous la responsabilité des associations sportives. "On y va par étapes car cela nécessite d’adapter le droit du travail. Mais mon prochain chantier sera de m’attaquer aux lieux culturels", assure Frédéric Hocquard.
L’ouverture nocturne des lieux publics posent en effet des enjeux importants en termes de personnel et d’organisation de retour au domicile la nuit. Mais plus globalement, la question du décalage des horaires est encore peu posée, notamment au sein des entreprises. "L’audition des organisations patronales a révélé une sous-estimation flagrante de leur part des conséquences des pics de chaleur à venir, et une absence d’initiative des entreprises pour s’y adapter", note la mission Paris 50°C.
Interdire le travail au-delà d’une température maximale
Dans un avis adopté en avril dernier, le Conseil économique social et environnemental (Cese) rappelle que 3,6 millions de personnes, soit 14 % des salariés, sont directement exposés aux fortes chaleurs. Il préconise que, dans le bâtiment et les travaux publics, principaux secteurs concernés, soit intégrée par voie réglementaire, après une négociation entre les partenaires sociaux, une température maximale au-delà de laquelle il serait interdit de travailler et qui déclencherait un dispositif de chômage, sur le modèle de ce qui existe en cas d’intempérie.
Plus récemment, la CGT a également appelé à introduire un seuil de température au-dessus duquel un travailleur ne peut occuper son poste. Actuellement, les salariés peuvent uniquement faire valoir leur droit de retrait en cas de "danger grave et imminent". En juin dernier, le Ministère du Travail a quant à lui rappelé aux salariés qu’ils pouvaient demander à leur employeur "d'organiser le travail de façon à réduire la cadence, notamment en aménageant les plages horaires de travail, en reportant les tâches ardues aux heures les plus fraîches et en planifiant cycles courts travail/repos". Mais le rapport de force employé/employeur ne le permet pas toujours.
En Grèce, le syndicat Peyfa, qui représente les gardiens de l'Acropole d'Athènes et des autres sites archéologiques en Grèce, a pris les devants. Il a cessé le travail entre 16 heures et 20 heures pendant quatre jours en juillet en raison de la canicule, après avoir déjà subi des températures extrêmes à plus de 45°C. En Iran, deux jours fériés ont été décrétés début août pour affronter des températures dépassant parfois 50°C.