Publié le 21 juillet 2016

ENVIRONNEMENT

L’UE dévoile le partage de l’effort État par État pour atteindre ses objectifs climatiques

La Commission européenne a présenté mercredi 20 juillet son nouveau paquet législatif sur la décarbonation de l’économie. Le partage de l’effort entre chacun des États membres pour les secteurs non couverts par le marché carbone européen en est un des piliers. Il doit permettre d’atteindre les objectifs climatiques fixés par l’UE notamment dans le cadre de l’Accord de Paris. Pour certaines ONG, cependant, la proposition de la Commission est "incohérente avec les résultats de la COP21". Explications.

La Commission européenne a dévoilé mercredi 20 juillet sa proposition relative à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) par les États membres et celle concernant sur l’utilisation des terres et des forêts.
Borut Trdina / iStock

La Commission européenne a dévoilé mercredi 20 juillet sa proposition relative à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) par les États membres. Ce texte législatif fixe pour chaque pays des objectifs contraignants en matière d’émissions de GES pour la période 2021-2030 et pour les secteurs qui ne sont pas réglementés par le système d’échange de quotas d’émissions de l’UE dits hors ETS (European Trading Scheme). Il s’agit notamment des secteurs du bâtiment, de l’agriculture (hors émissions de CO2), de la gestion des déchets et des transports. Ces derniers représentent 60% des émissions européennes en 2014.

 

Un objectif de réduction de 30% pour les secteurs hors ETS

 

Cette réglementation sur le partage de l'effort appelée ESD (Effort Sharing Decision) est l’un des trois piliers du dispositif européen de lutte contre le réchauffement global, aux côtés du marché carbone européen, en cours de réforme, et de l’utilisation des terres et des forêts, qui fait également l’objet d’une proposition présentée le même jour par la Commission. La contribution de l’UE à la stabilisation de la hausse des températures est donc en grande partie déterminée par l’ESD, pièce maîtresse des instruments de politique climatique.

Ainsi, pour parvenir à l’objectif global de réduction des émissions d’au moins 40% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990, adopté en octobre 2014, les États membres tablent sur une réduction des émissions de 43% d’ici 2030 par rapport à 2005, pour les secteurs de l’industrie et de l’énergie couverts par le marché carbone. Et sur une réduction des émissions de 30% en 2030 par rapport à 2005 pour les secteurs hors ETS. C’est ce dernier point qui nous intéresse ici et qui a fait l’objet de la proposition présentée mercredi par la Commission.

 

Une fourchette comprise entre 0% et -40%

 

Les objectifs fixés pour 2030 vont de 0% pour la Bulgarie, à -40% pour le Luxembourg ou la Suède. La France, elle, se voit attribuer un objectif de réduction de 37%.

 

 

Ces cibles ont été établies en fonction du PIB par habitant de chaque État sur un critère d’équité qui "garantit que les États membres à revenus élevés devront atteindre des objectifs plus ambitieux que les États membres à faibles revenus". La Commission propose également aux États membres deux nouveaux leviers pour atteindre leurs objectifs.

D’une part, il sera possible de transférer des quotas du marché carbone dans l’ESD en respectant un plafond global de 100 millions de tonnes de CO2. Neuf pays (ceux qui disposent d’une marge de manœuvre réduite : Luxembourg, Suède, Danemark, Finlande, Pays-Bas, Autriche, Belgique, Malte et Irlande) y sont ainsi autorisés, ce qui permet par exemple au Luxembourg de réduire son objectif de 4 points.

D’autre part, les États membres pourront aussi utiliser des crédits issus de l’utilisation des terres dans le système ESD dans une limite de 280 millions de tonnes de CO2. Ainsi, si l’Irlande, pays très agricole, fait des efforts en matière de reforestation, elle pourra bénéficier d’une réduction de son objectif de 5,6%. L'Okö Institute a calculé que ces crédits carbone issus du maintien des forêts entraîneraient un bonus de 1,35 milliard de tonnes de CO2 équivalent dans la répartition de l'effort pour 2030.

 

"Interdire les faux départs"

 

Chaque année, la Commission évaluera les progrès accomplis et réalisera un contrôle plus formel de la conformité tous les cinq ans. Elle pourra exiger un plan d’action des États qui ne sont pas sur la bonne voie et les sanctionner le cas échéant. La quantité d’émissions excédentaires sera alors multipliée par 1,08 et le chiffre obtenu ajouté aux émissions de l’année suivante.

La trajectoire de réduction des émissions doit se faire de façon linéaire et décroissante, "avec une limite fixée pour chaque année", précise par ailleurs la Commission. Le point de départ choisi correspond à la moyenne des émissions entre 2016 et 2018. Une date de départ considérée comme un véritable point noir par les ONG. Dans un dossier de presse, le Réseau Action pour le Climat (RAC) estime que cela reviendrait à "récompenser" des pays qui "n’atteindront pas leur objectif climatique en 2020", à savoir la Belgique, le Luxembourg, l’Autriche et l’Irlande.

Le RAC propose, pour les pays identifiés comme retardataires, de fixer l’objectif qu’ils devaient atteindre en 2020 comme point de départ. "Choisir cette option permettrait de réduire le budget carbone de l’UE d’au moins 850 millions de tonnes de gaz à effet de serre, par rapport à l’option que la Commission propose." Ces 850 Mt GES représentent "davantage que les émissions de la France et de l’Allemagne cumulées en 2014".  

 

Transports : -60% d’ici 2050

 

La Commission européenne a également présenté, mercredi 20 juillet, une proposition concernant le 3ème pilier de son plan d’action en matière de climat et d’énergie sur l’utilisation des terres et des forêts. La proposition impose à chaque État membre de veiller à ce que les émissions de CO2 comptabilisées provenant de l'utilisation des terres soient entièrement compensées par des absorptions équivalentes de CO2 présent dans l’atmosphère, sur le principe du "bilan neutre ou positif". Cela signifie que si un État membre abat une forêt, il est tenu de compenser les émissions de CO2 produites en plantant de nouvelles forêts ou en améliorant la gestion durable de ses forêts, terres cultivées et prairies existantes. Cet engagement avait déjà été pris dans le cadre du protocole de Kyoto jusqu’en 2020. Il est dès lors maintenu jusqu’en 2030.

Enfin, la Commission a présenté une communication sur la "stratégie européenne pour une mobilité à faible taux d'émissions". Le document émet l’objectif ambitieux de réduire, d'ici au milieu du siècle, les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports d’au moins 60% par rapport à leur niveau de 1990. Mais cet objectif n’est pas contraignant et n’est donné qu’à titre indicatif. Le secteur des transports est le seul à avoir vu ses émissions augmenter depuis 1990.

Concepcion Alvarez
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