Publié le 03 mars 2022
ENVIRONNEMENT
Jean Jouzel : "La clé de la transition écologique, c'est la formation des jeunes"
À l'occasion de l'élection présidentielle, Novethic se penche sur ces débats oubliés, ceux qui n'occupent pas le terrain médiatique mais qui sont pourtant vitaux. Zoom aujourd'hui sur la proposition de Jean Jouzel de sensibiliser et former à la transition écologique dans l’enseignement supérieur d’ici à 5 ans. Une manière selon le climatologue de répondre aussi à l'urgence de s'adapter au réchauffement climatique préconisé par le Giec dans son dernier rapport publié ce 28 février.

Photo de Yan Krukov provenant de Pexels
Vous avez rendu un rapport le 16 février à la ministre de l’Enseignement supérieur qui préconise d’intégrer la transition écologique dans toutes les filières de niveau bac+2. Quel a été le constat de départ ?
Jean Jouzel : Quand on écoute certaines élites, qu’elles soient politiques ou économiques, on voit qu’elles ne savent pas vraiment de quoi elles parlent concernant la transition écologique. Pourtant cette transition est devant nous, la neutralité carbone a été affichée pour 2050. Ce changement profond demande de l’anticipation que ce soit pour traiter la question de la transition climatique, énergétique, la biodiversité et l’environnement, mais aussi les aspects sociaux et économiques.
La clé de la transition écologique, c'est la formation des jeunes, c’est leur permettre d'en comprendre les enjeux. Il y a eu des réformes dans l’enseignement secondaire, on y évoque plus la transition écologique qu’il y a une dizaine d’années. Dans le cycle primaire également. Il y a donc un certaine logique que cela se passe dans le supérieur. Dans la lettre de mission de la ministre de l’Enseignement supérieur, il s’agissait ainsi de réfléchir à comment faire pour que tous les étudiants, quelle que soit leur filière, leur type de formation, leur école ou université, qui ne dépendent d’ailleurs pas uniquement de l’Education nationale, soit embarqués dans cette sensibilisation.
Quelles sont vos recommandations principales ?
Notre objectif est de faire adhérer l’ensemble du tissu éducatif à l’idée qu’il faut intégrer la transition écologique dans l’éducation. Nos recommandations se tournent donc d’abord vers la puissance publique, le ministère de l’Education, mais aussi vers des organismes comme le Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur pour que l’enseignement de la transition écologique soit intégré dans l’évaluation des établissements. Ainsi que dans les classements internationaux. L’idée est d’en faire un critère d’excellence.
On s’adresse également aux établissements, en particulier aux directions parce que ce sont d’abord elles qui doivent s'engager dans cette voie. Bien sûr aussi aux enseignants, pour qu’il y ait une continuité dans la formation des jeunes entre le secondaire et le supérieur. Mais également une mutualisation des connaissances, car même s’il y a une bonne volonté, les enseignants ne sont pas forcément eux-mêmes formés à ces enjeux.
Un autre levier de la réussite, c’est l'appétit des apprenants. Il y a une préoccupation des étudiants, on l’a notamment vu avec le collectif Pour un Réveil écologique dont certains membres ont d’ailleurs fait partie de notre groupe de travail. D’autres ont une méconnaissance complète du sujet. Peu savent par exemple faire le lien entre leur vie quotidienne et comment cela affecte leur environnement, comme en matière d’effet de serre ou de perte de la biodiversité.
Votre rapport a précédé de peu celui du Giec, publié ce 28 février. Y a-t-il un lien à faire entre vos travaux ?
Notre proposition s'inscrit dans les préconisations du Giec. Le coeur de ce dernier rapport est l'adaptation au changement climatique, avec un message clair, celui de faire de la nature un allié, ce qui est devenu une urgence absolue d'agir. Pour moi il est possible de faire le lien avec notre recommandation d’intégrer la transition écologique dans tous les cursus de l’enseignement supérieur, et même de continuer à se former à ces enjeux tout au long de sa vie, car l’éducation est le prérequis à l’action. C’est en tout cas ce que l’on espère.
Propos recueillis par Marion Chastain @MarionChastain