Publié le 04 août 2015
ENVIRONNEMENT
Émissions de CO2 aux États-Unis : Obama durcit les règles
Barack Obama a dévoilé lundi 3 août son très attendu "Clean power plan" piloté par l’EPA, l’agence de protection de l’environnement américaine. La nouvelle réglementation prévoit une baisse de 32 % des émissions de CO2 liées à la production d’électricité, ainsi que des investissements massifs dans les énergies renouvelables. Ces mesures, déjà contestées politiquement, marquent un tournant dans la politique américaine.

Samuel Corum / Anadolu Agency
Avec la nouvelle réglementation sur l’électricité propre, Barack Obama entend bien lancer définitivement la transition énergétique dans un pays encore largement dépendant des énergies fossiles. D’ici 2030, les États-Unis devront réduire leurs émissions de gaz à effet de serre liées à la production d’électricité de 32 % (par rapport aux niveaux de 2005), un chiffre supérieur aux 30 % annoncés en juin 2014 par l’agence de protection de l’environnement.
Les nouvelles règles prévoient également de porter la part des énergies renouvelables de 13 % en 2014 à 28 % de la production électrique en 2030, une augmentation significative. Ces objectifs ambitieux visent en particulier à réduire la part du charbon, hautement polluant et responsable de plus des trois quarts des émissions liées à la production d’électricité aux États-Unis.
Dans une vidéo postée sur le site de la Maison Blanche, Barack Obama a défendu la nécessité de combattre le changement climatique, pour qui cette nouvelle réglementation représente une avancée incontestable : "Les centrales électriques sont les plus grosses émettrices des gaz à effet de serre nocifs qui contribuent au réchauffement climatique. Mais jusqu’à aujourd’hui, elles n’étaient soumises à aucune règle limitant la pollution qu’elles rejettent dans l’atmosphère", a ajouté le Président américain.
Pour défendre son plan, Barack Obama insiste sur la nécessité sanitaire d'une réduction de la pollution atmosphérique. Le gouvernement estime pouvoir ainsi éviter environ 3 500 décès prématurés et 90 000 crises d’asthme d’ici à 2030, représentant un coût en moins de 14 à 34 milliards de dollars.
L’emploi au cœur des préoccupations
Sans surprise, les opposants républicains ont vivement critiqué ce dispositif, qualifié de "danger économique". Ancien gouverneur de Floride et candidat déclaré à l’élection présidentielle, Jeb Bush a qualifié la réduction des émissions de CO2 d’ "irresponsable", accusant cette mesure de "jeter d’innombrables américains au chômage" et de "faire grimper les prix de l’énergie pour tout le monde". Ce que la Maison Blanche nie en bloc, estimant que le dispositif générera une économie moyenne de l’ordre de 85 dollars chaque année sur la facture énergétique des foyers américains.
Mitch McConnell, chef de la majorité Républicaine au Sénat et élu du Kentucky, a pris la tête de l’opposition sur ce sujet en demandant aux gouverneurs de refuser d’appliquer la nouvelle réglementation fédérale, estimant que le gouvernement n’a pas à "dicter" la politique énergétique des états.
Selon le New York Times, les procureurs généraux d’une douzaine d’états seraient en train de préparer un recours contre le texte de l’EPA. Plusieurs autres états pourraient se joindre au recours, afin de contester la validité de ces nouvelles règles. En vain, estime Tomas Carbonell, directeur des politiques de réglementation pour le Fonds de Défense de l’Environnement : "l’EPA a une solide expérience en ce qui concerne la création de régulations dont les fondations scientifiques sont incontestables, et la loi tout comme les tribunaux l’ont reconnu".
Pour désarmer l’opposition venue des états, un délai supplémentaire de deux ans a été prévu afin qu’ils atteignent leurs objectifs de réduction d’émissions. Certains états dépendent quasiment exclusivement du charbon pour produire leur électricité.
C’est le cas de la Virginie Occidentale ou du Kentucky par exemple, pour qui le charbon représente respectivement 95 et 89 % de la production électrique. Les nouvelles règles de l’EPA y sont perçues comme une menace sur les dizaines de milliers d’emplois vivant du secteur, en dépit des promesses de création d’emplois du président Obama.
"Le Clean Power Plan peut changer la donne"
À quelques mois de la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris, le signal envoyé par Barack Obama est jugé positif par les ONG. Lou Leonard, vice-président en charge du changement climatique à WWF US, estime que "le Clean Power Plan peut potentiellement changer la donne en s’attaquant au secteur de l’électricité. Cela permet d’asseoir l’influence des États-Unis sur la scène des négociations climatiques vers la conférence Paris Climat 2015".
Dans une lettre ouverte aux gouverneurs, une large coalition de 365 hommes d’affaires et investisseurs privés a soutenu l’initiative de Barack Obama, affirmant que la transition énergétique représentait une "opportunité" de création d’emploi importante.
"Le Clean Power Plan est une bonne mesure qui arrive au bon moment" a affirmé Mindy Lubber, présidente de Ceres, un réseau d’investisseurs mobilisés sur les questions environnementales. "C’est une mesure flexible, pratique et économiquement viable pour mener le pays vers une économie bas-carbone", a-t-elle ajouté.