Publié le 04 octobre 2016
ENVIRONNEMENT
Climat : bousculée, l'UE contrainte de ratifier l'Accord de Paris
Le Parlement européen entérine ce mardi 4 octobre une procédure inédite et exceptionnelle : la ratification accélérée de l’Accord de Paris. Le dernier obstacle avant son entrée en vigueur d’ici la COP22, qui se tiendra du 7 au 18 novembre à Marrakech, est enfin levé. L'Union européenne (qui totalise 12,1% des émissions mondiales), soucieuse de ne pas apparaître à la traîne, a finalement pu mettre un terme aux nombreuses dissensions entre les pays membres. Quels furent les points de blocage ? Sont-ils définitivement levés ? L’Union européenne est-elle redevenue un des pionniers de la lutte contre le réchauffement climatique ? Analyse.

Wiktor Dabkowski / NurPhoto / AFP
L’Union européenne revient de loin. Encore en proie à de profondes divisions internes il y a quelques semaines, elle ratifie finalement l’Accord de Paris sur le climat. Et parvient même à innover : pour la première fois, elle ratifie un texte sans que l’ensemble des États membres ne l’aient fait individuellement auparavant. Quelle raison d'être de cette trouvaille institutionnelle, bricolée en dernière minute ? Elle permet à l’Europe d'endosser son habit de négociateur lors des prochaines négociations internationales sur le climat (la COP22) et de retrouver le clan très prisé des acteurs clés de la scène climatique internationale. Une scène sur laquelle d'autres protagonistes ont émergé (Chine, Inde, États-Unis, coalition de pays africains) à la suite de l’affaissement de la diplomatie européenne sur la question du réchauffement global.
Rester dans le peloton de tête
"C’est la motivation principale derrière la décision de l’Union européenne", explique Thomas Spencer, Directeur de programme Climat à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Il salue une décision "très positive" et... "inattendue".
"La ratification par la Chine, les États-Unis et l’Inde a créé un cercle vertueux qui a entraîné l’Europe. Elle ne voulait pas perdre sa réputation de leader du climat". Pendant la COP21, l’Union européenne s’était distinguée par sa grande mobilisation, notamment en se plaçant à la tête de la High Ambition Coalition avec les États insulaires et les États-Unis.
Paris aux manettes diplomatiques
L’enjeu fut jugé si sensible qu’il déclencha une intense activité diplomatique entre les différentes capitales européennes. Une activité orchestrée par Paris et jugée très efficace par un membre de la délégation allemande : la France, pays organisateur de la COP21, a réussi à convaincre ses partenaires les plus réticents de ratifier rapidement le texte – et en tout premier lieu la Pologne – que la répartition des efforts de réduction des émissions n’était pas une condition à la ratification. Car c’est ce point précis qui a provoqué les dissensions les plus profondes entre les 28, la Pologne et l’Italie prenant la tête des pays contestataires qui ne voulaient pas ratifier un accord sans connaître au préalable ce qu’impliquait le partage de l’effort État par État.
Ces tractations furent particulièrement intenses. Une source allemande confirme les informations publiées sur le site Euractiv, selon lequel "les discussions ont été si tendues que le Commissaire Miguel Arias Canete avait préparé un discours cinglant et furieux s'ils n'arrivaient pas réussi à trouver un compromis".
Et maintenant ?
"Maintenant, le plus important c’est ce qu’il se passe chez nous, c’est l'application concrète de l’accord par les pays membres", poursuit Thomas Spencer. Et c’est bien la partie la plus difficile qui commence. "Nous allons mettre en œuvre le texte de Paris sur la base de nos propres conditions", déclarait ainsi Jan Szyszko, ministre polonais de l’Environnement, immédiatement après l’annonce du compromis européen. "Le charbon reste la garantie pour la Pologne de conserver son indépendance énergétique pour les décennies à venir."
La bataille pour le climat reste loin d'être gagnée.