Publié le 16 novembre 2015

ENVIRONNEMENT

A Antalya, le G20 assure un service minimum sur le climat

Au terme de deux jours de négociations, marqués par les attentats de vendredi soir à Paris, le G20 a publié une déclaration dans laquelle il réaffirme sa détermination à trouver un accord international permettant de limiter le réchauffement climatique à 2°C lors de la COP21. Un paragraphe obtenu après une longue nuit de négociation et qui montre l’ampleur de la tâche qu’il reste à accomplir dans deux semaines au Bourget...

Minute de silence pendant le G20 en Turquie où les questions sécuritaires ont primé FATIH AKTAS POOL AFP
Une minute de silence en mémoire des victimes des attentats de Paris a été observée pendant le G20 en Turquie où les questions sécuritaires ont primé. Le paragraphe sur le climat a toutefois été renforcé mais de façon insuffisante selon les ONG.
FATIH AKTAS POOL AFP

"Le changement climatique est l’un des plus grands défis de notre temps. Nous reconnaissons que 2015 est une année décisive qui demande une action efficace, forte et collective contre le changement climatique et ses effets". Voilà les premiers mots du paragraphe consacré au climat de la déclaration finale du G20, qui s’est réuni hier et aujourd’hui dans la station balnéaire d’Antalya en Turquie.    

Le G20 y réaffirme l’objectif d’une limitation de la hausse des températures à 2°C. Mais aussi sa détermination à adopter un "protocole, autre instrument ou accord ayant force juridique", s'appliquant "à toutes les parties" et qui soit "juste, équilibré, ambitieux, durable et dynamique" lors de la COP21 qui se déroulera comme prévu au Bourget, près de Paris, dans deux semaines. Le tout dans le respect du principe de la responsabilité commune mais différenciée et des capacités respectives de chaque Etat. Un point essentiel pour obtenir le soutien des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).    

 

Un consensus mou  

 

Une déclaration qui assure le service minimum mais qui a pourtant été arrachée au forceps si l’on en croit les rudes négociations qui ont eu lieu dans la nuit de dimanche à lundi pour tenter de renforcer les termes de ce 24ème paragraphe d’une quinzaine de lignes (sur les 27 paragraphes que compte la déclaration). A son arrivée dimanche, Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères français et futur président de la COP21, avait exigé de revoir le texte initial, "trop général", pour aboutir à "quelque chose de politiquement beaucoup plus fort". Au cœur des dissensions : l’objectif des 2°C qui avait disparu du texte négocié par les "sherpas", les diplomates qui ébauchent le communiqué final avant qu’il ne soit retouché par les chefs d’Etat.  

Le contexte des attentats de Paris, qui ont évidemment occupé la majeure partie des débats (et qui ont retenu le Président de la République en France), n’a sans doute pas aidé. Mais le fait est que le sujet était déjà source de division avant vendredi tant il existe de divergences entre les pays développés et les pays émergents (emmenés par l’Inde et l’Arabie Saoudite) au sein du groupe des 20 plus grandes puissances mondiales. Selon une "source européenne", citée par l’AFP, les débats "laborieux" ont donné l'impression que les pays industrialisés d'un côté, et les pays émergents de l'autre "ne vivaient pas sur la même planète".  

Le G20 est pourtant un acteur clé pour la réussite des négociations climatiques. Les pays qui le composent  représentent en effet les deux tiers de la population mondiale, le 4/5ème du PIB mondial mais aussi 75 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

   

Les questions financières éludées

 

Les associations attendaient donc beaucoup plus de la partie climatique de la déclaration. La semaine dernière, de nombreuses ONG - comme le C20, un groupe représentant plus de 500 ONG dont le WWF et Oxfam -, plaidaient notamment pour un engament fort du G20 de cesser de subventionner les énergies fossiles. Une demande soutenue dimanche par le directeur de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), Fatih Birol, qui a plaidé pour une fin progressive de ces subventions à la production d'énergies fossiles. Un engagement que le G20 a pris dès 2009 et qu’il a réitéré dans cette nouvelle déclaration (paragraphe 23) mais sans calendrier ni mesure précise pour y arriver.

Autant dire donc que la mention risque de rester sans effet. Or selon un rapport  de l’Overseas Development Institute et Oil change International publié la semaine dernière, les pays qui composent le G20 accordent chaque année 452 milliards de dollars (2013 et 2014) de subventions pour soutenir la production de combustibles fossiles. C’est le quadruple de la totalité des subventions mondiales aux énergies renouvelables (121 milliards de dollars selon l’Agence Internationale de l’Energie). Et 15 fois plus que l’aide pour l’adaptation au changement climatique versée par les pays développés (selon Oxfam). Quant à la question du financement de la lutte contre le réchauffement climatique, point épineux s’il en est, les ONG attendaient une prise de position claire du G20. Il n’a tout simplement pas été abordé à Antalya.  

Pour les ONG, "aucune avancée clé" pour un accord ambitieux à Paris, n’a donc été enregistré lors du G20.  "Pas un mot sur la nécessité de relever l'ambition des contributions des Etats avant 2020 et de mettre en place une révision tous les 5 ans" ni "aucune mention faite sur l'importance de donner un prix au carbone pour atteindre les objectifs climatiques", déplore ainsi la Fondation Nicolas Hulot. Pour Célia Gautier, responsable des politiques européennes au Réseau Action Climat France, "le G20 a manqué une occasion sans précédent d'accélérer l'action face au changement climatique. Les chefs d'État des principales économies de la planète refusent de voir la réalité en face : tant que ces pays continueront à injecter des centaines de milliards de d'euros dans les causes du changement climatique, sous la forme de subventions publiques aux combustibles fossiles, il nous sera très difficile de construire le monde solidaire, au climat stabilisé et à l'énergie 100% renouvelable, dont nous avons urgemment besoin".

Béatrice Héraud
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