Publié le 05 août 2019
ENVIRONNEMENT
Total se rebiffe contre l'exclusion de l'huile de palme de la liste des biocarburants
Démarrée au début du mois, la bioraffinerie de Total à La Mède, fonctionnant en partie avec de l'huile de palme importée, est déjà menacée. L'entreprise a déposé un recours contre l'exclusion de l'huile de palme de la liste des biocarburants et la suppression de son avantage fiscale. Elle s'estime victime de discrimination par rapport aux autres entreprises européennes, non soumises à la même disposition. Les ONG quant à elles rappellent le pouvoir néfaste de l'huile de palme sur la déforestation.

@Total
Total a déposé un recours auprès du Conseil d'État - qui l'a renvoyé devant le Conseil constitutionnel - contre l'exclusion des produits à base d'huile de palme dans la liste des biocarburants à compter du 1er janvier 2020. Le groupe a démarré sa bioraffinerie à La Mède (Bouches-du-Rhône), l'une des plus grandes d'Europe, début juillet. Celle-ci doit fonctionner en partie avec de l'huile de palme, faisant bondir les importations françaises de cette huile accusée de déforester les forêts primaires.
"Nous avons déposé auprès du Conseil d'Etat un recours contre le décret d'application de la disposition de la Loi de finances pour 2019 qui exclut les seuls produits à base d'huile de palme, même durable, de la liste des biocarburants", a indiqué à l'AFP une porte-parole du géant pétrolier et gazier. "Nous estimons que cette disposition de la loi française introduit une discrimination incompatible avec la Constitution française et le droit communautaire", a-t-elle ajouté.
"Pas vocation à faire tourner des usines à perte"
Total estime être victime de discrimination parce que la loi française est plus ambitieuse que la directive européenne. En effet, la Commission européenne n’a pas complètement fermé la porte à l’utilisation de l’huile de palme dans les carburants. Néanmoins, le texte prévoit explicitement la possibilité pour les États membres d’être plus ambitieux
Mais la disposition, votée par les députés à la mi-décembre, qui entraîne la suppression de l'avantage fiscal pour les biocarburants à base d'huile de palme, met de fait en cause l'équilibre économique et la compétitivité de la bioraffinerie de La Mède. "Je ne fais pas de chantage à l'emploi. Mais soyons clairs : ce n'est pas parce que Total est riche qu'il a vocation à faire tourner des usines à perte", avait mis en garde son PDG, Patrick Pouyanné, en début d'année. L'ensemble des activités du site représentent 250 emplois directs.
"Défendre l'indéfendable"
L'utilisation d'huile de palme importée est dénoncée par les associations de défense de l'environnement pour qui elle contribue à la déforestation en Asie du Sud-Est. Les ONG dénoncent aussi l'inefficacité des labels de certification et jugent que les entreprises ne peuvent pas contrôler la déforestation indirecte. "Total s’obstine à vouloir défendre l’indéfendable, seul contre tous. Une fois de plus, la réaction de l’entreprise est de vouloir remettre en cause la loi plutôt que de revoir son projet de bioraffinerie de La Mède" commente Sylvain Angerand, porte-parole des Amis de la Terre.
Selon Total, la bioraffinerie pourra traiter 650 000 tonnes par an et elle s'approvisionnera en huile de palme "durable et certifiée" à hauteur de 300 000 tonnes au maximum. L'entreprise avait déjà saisi le Conseil Constitutionnel le 21 décembre 2018 à l’issu du vote du projet de loi de finances 2019. La saisine avait alors été rejetée.
Concepcion Alvarez avec AFP