Publié le 18 janvier 2023

ENVIRONNEMENT

La France, porte-voix d’un moratoire contre l’exploitation des fonds marins dans les eaux internationales

Mardi 17 janvier, les députés ont adopté à la majorité absolue une résolution visant à défendre un moratoire contre l’exploitation des fonds marins dans les eaux internationales. Une activité qui n’est pas aujourd’hui réglementée et qui fait l’objet d’un vif intérêt en raison des métaux contenus dans les profondeurs. La France, qui est la deuxième puissance maritime mondiale, tente ainsi de peser dans les négociations internationales en cours.  

Exploitation fonds marins moratoire Campagne Serpentine 2007 IFREMER VICTOR
Les conséquences de l'exploitation des fonds marins sur les écosystèmes sont encore largement méconnues.
@Campagne Serpentine 2007/IFREMER-VICTOR

Après le Président de la République, c’est au tour des députés de se prononcer contre l’exploitation des fonds marins. Dans une résolution, proposée par le député écologiste Nicolas Thierry, adoptée à la majorité absolue (215 voix pour, 56 voix contre) mardi 17 janvier, ils demandent à la France de s’engager sur la scène internationale en faveur d’un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins. Emmanuel Macron avait défendu cette position à la COP27 sur le climat de Charm el-Cheikh en novembre dernier et à la Conférence de l’Onu sur les océans quelques mois auparavant. Le sujet est crucial car la pression se fait de plus en plus forte pour aller exploiter les ressources minières qui se trouvent à 4 000 mètres de profondeur et qui ne sont aujourd’hui pas réglementées.

En juin 2021, le président de l’État insulaire de Nauru, au nord de l'Australie, a notifié à l’Autorité Internationale des fonds marins (AIFM), chargée d'organiser les activités liées aux ressources minérales dans les profondeurs des eaux internationales, qu’il entendait demander un accord pour exploiter les eaux profondes dans la très convoitée Zone de Clarion-Clipperton (ZCC), au cœur de l’Océan Pacifique. La zone regorge d'une ressource unique : les nodules poly métalliques, contenant entre autres du cobalt, du nickel, du cuivre et du manganèse. Suite à cette requête, et selon la clause "des deux ans" inscrite dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, l'AIFM est contrainte de fournir une réglementation d'ici juillet 2023.

Un permis-test déjà délivré et des images chocs

Le problème est que les risques sur les écosystèmes dans les eaux profondes sont encore très mal documentés. "Ce manque de connaissances scientifiques des eaux profondes constitue ainsi un risque majeur pour la sauvegarde de ces espaces, détaille la résolution. C’est une activité dont les impacts potentiels sont énormes, qu’il s’agisse des effets toxiques des panaches de sédiments et des métaux lourds qui s’accumulent dans la chaîne alimentaire, de la libération des gaz à effet de serre séquestrés dans les sols océaniques ou de la destruction irréversible de la biodiversité marine".

C’est pourquoi les députés invitent le gouvernement à soutenir, dans le cadre d’un moratoire, l’interdiction de l’exploitation minière des fonds marins en haute mer tant qu’il n’aura pas été démontré par des groupes scientifiques indépendants et de manière certaine que cette activité extractive peut être entreprise sans dégrader les écosystèmes marins et sans perte de la biodiversité. Une douzaine de pays soutiennent cette position parmi lesquels le Chili, le Costa Rica, la Nouvelle-Zélande, le Panama, l’Allemagne, l’Espagne, les Palaos ou encore le Vanuatu.

"Il faut agir, et convaincre de plus en plus de pays à rejoindre la France et les quelques autres qui soutiennent déjà le moratoire, lors de la prochaine réunion de l'AIFM en mars !", réagit l’eurodéputée écologiste Marie Toussaint. Car le temps presse. En septembre dernier, l’entreprise canadienne The Metals Company a obtenu un permis "test" l’autorisant à extraire 3 600 tonnes de métaux dans la zone Clarion Clipperton. Des images de cette campagne, montrant un flot de rejets noirâtres, ont largement été partagées la semaine dernière sur les réseaux sociaux.

Des entreprises engagées à ne pas utiliser ces minerais

"Ne nous berçons pas d’illusions : il ne peut y avoir d’exploitation sans dommages irréversibles pour les écosystèmes marins, a déclaré dans l’hémicycle Hervé Berville, secrétaire d’État à la mer. Notre ambition est donc non seulement d’empêcher, dès cette année, l’octroi d’un permis d’exploitation, mais également de ne pas adopter de code minier en l’état actuel des connaissances. Le temps joue malheureusement contre nous".

Les députés appellent également à reformer l’AIFM afin d’"assurer une totale transparence sur ses obligations à agir au nom de l’humanité dans son ensemble". Du côté des entreprises, un certain nombre d’entre elles à l’instar de Google, BMW, Renault, Volvo, Philips, Samsung ou plus récemment Tesla, ont souscrit à un appel commun en faveur d’un moratoire sur l’exploitation minière en eaux profondes en s’engageant à n’utiliser aucune ressource minière provenant des fonds marins pour la fabrication de leurs produits.  

Concepcion Alvarez @conce1


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