Publié le 11 juillet 2018
ENVIRONNEMENT
Total, SNCF, BNP... Des grandes entreprises s'engagent (enfin) sur la biodiversité
Le 10 juillet, 65 entreprises se sont engagées dans l’initiative Act4Nature. Lancée par "Entreprises pour l’environnement" (EpE) et soutenue par 20 partenaires parmi lesquels des réseaux d’entreprises, des ONG, des institutions scientifique et l’Agence française pour la biodiversité, cette initiative est destinée à protéger, valoriser et restaurer la biodiversité.

BH
Souvent remisée au second plan par les entreprises derrière le climat, la biodiversité devrait être le sujet environnemental de ces prochaines années pour le secteur privé. La mise à l’agenda de ce sujet particulièrement complexe à mesurer et à traiter par les entreprises est en tous cas l’ambition affichée par l’initiative Act4Nature lancée ce 10 juillet à la fondation Good Planet.
65 entreprises, essentiellement des géants comme BNP Paribas, Michelin, Danone, Total ou la SNCF ont annoncé en grande pompe, en présence d’une quarantaine de grands patrons, leur mobilisation sur le sujet avec un engagement commun. L'objectif est que "chaque entreprise ait un apport net positif à la nature", souligne Act4Nature.
La biodiversité, un capital clé pour les entreprises
Pour cela, elles vont intégrer, à travers 10 engagements, "la question de la biodiversité dans toutes les activités, de la gouvernance et de la stratégie aux opérations les plus concrètes" et en le légitimant "auprès des collaborateurs et parties prenantes de façon à encourager des actions spontanées et diffuses".
Cette initiative est portée par Entreprise pour l’environnement (EpE) et ses 20 partenaires (1) : des réseaux d’entreprises, des ONG, des institutions scientifiques et l’Agence française pour la biodiversité. Avec, en ligne de mire, la COP15 de la biodiversité qui se déroulera en 2020. Celle-ci pourrait en effet donner le jour à un Accord de Pékin sur la biodiversité, un pendant de l’Accord de Paris sur le climat.
La sauvegarde de la biodiversité est cruciale pour les entreprises. "Elles doivent se soucier de la biodiversité à trois titres : compétitivité car elles en dépendent notamment pour leurs matières premières ; réputation car les consommateurs feront de plus en plus leur choix en fonction de la responsabilité des entreprises ; éthique en tant qu’acteurs responsables d’une partie du déclin de la biodiversité", explique ainsi Anne Larigauderie, secrétaire de l’IPBES, l’équivalent du GIEC pour la biodiversité.
La France en première ligne
Or 60 % des écosystèmes sont aujourd’hui dégradés. Et "l'activité économique joue un rôle dans les cinq mécanismes de perte de biodiversité (artificialisation, pollution, surexploitation des ressources naturelles, espèces invasives et changement climatique)", reconnaissent les entreprises engagées dans Act4Nature. L’enjeu est particulièrement important pour la France, qui compte 5 des 34 "hostpots" de biodiversité mondiale.
Chaque entreprise va décliner les engagements communs par des initiatives individuelles. RTE, le responsable du transport d'électricité en France, doit ainsi atteindre 1 800 hectares de surfaces aménagées en faveur de la biodiversité d’ici 2021. Le promoteur Icade vise 25 % de ses nouvelles constructions et de son patrimoine en "biodiversité positive" (évolution positive de la faune, de la flore, des sols, de l’eau et des espaces verts) d’ici 2020.
De son côté, l’assureur Axa refuse désormais d’assurer des bateaux pratiquant de la pêche non réglementée. Il a aussi désinvesti les producteurs d’huile de palme pratiquant la déforestation et travaille sur un indicateur permettant de calculer l’empreinte biodiversité de ses portefeuilles.
L’enjeu de la mesure
La mesure est bien l’un des points de complexité les plus importants pour les entreprises afin d’évaluer leur empreinte biodiversité, leur exposition au risque et pour suivre leurs progrès. Des travaux sont en cours pour définir des indicateurs standardisés. C’est notamment ce sur quoi travaille le ClubB4B+, piloté par CDC biodiversité, à travers la construction du Global Biodiversity Score.
Lors de la présentation du plan biodiversité début juillet, Nicolas Hulot a déclaré que les entreprises devront bientôt mesurer leur empreinte sur la biodiversité grâce à un indicateur commun qui pourrait être rendu obligatoire dans les rapports RSE (responsabilité sociétale des entreprises), un peu à l'image de ce qui s'est fait sur le climat. Un outil d'analyse économique de l'empreinte biodiversité qu'il souhaiterait voir développé d'ici 2020, a-t-il précisé hier.
L’initiative, actuellement portée au niveau français, est censée avoir une destinée plus internationale. C’est en tous cas le souhait d’EpE. "Nous sommes très observés par l’étranger. Notre effet d’influence, voire d’émulation devrait porter à l’étranger, grâce notamment au rôle moteur des COP", a ainsi déclaré son président, Jean-Dominique Senard, également président de Michelin.
Béatrice Héraud @beatriceheraud
(1) L’initiative regroupe Epe, l’Afep, le Medef, l’Alliance pour la préservation des forêts, le collège des directeurs du développement durable (C3D), Finance for Tomorrow, Global Compact France, Orée, l’ORSE, la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, le Museum d’Histoire naturelle, Fondation Good Planet, France Nature Environnement, la Fondation pour la Nature et l’Homme, Humanité et biodiversité, la LPO, Noé, le comité français de l’UICN, le WWF France et l’Agence française pour la biodiversité.