Publié le 14 décembre 2022

ENVIRONNEMENT

COP15 Biodiversité : à mi-parcours, les négociations patinent sur les financements et l'objectif de protéger 30% de la planète

À la COP15 Biodiversité, qui se tient depuis le 7 décembre à Montréal, au Canada, les négociations n’ont pas avancé sur les points majeurs que sont les financements Nord-Sud et l’objectif de protéger 30% de la planète. L’arrivée des ministres de l’Environnement du monde entier pour le segment de haut niveau, jeudi 15 décembre, devrait permettre de donner un coup d’accélérateur. Mais il est d’ores et déjà acté qu’un certain nombre d’éléments ne seront finalisés à la COP16 en Turquie.

Marche montreal cop15 biodiversite 101222 dinosaures extinction ANDREJ IVANOV AFP
Samedi 10 décembre, en marge de la COP15 Biodiversité, une marche pour la biodiversité et les droits de l'homme a été organisée à Montréal, rassemblant quelque 3500 personnes, dont certaines déguisées en dinosaures.
ANDREJ IVANOV / AFP

(Mise à jour du 20 décembre 2022 : pour connaître le résultat des négociations de la COP15, cet article vous en donne toutes les clés)

Pour l’instant, seuls cinq des 23 objectifs envisagés dans le nouveau cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 sont prêts à être adoptés, selon les calculs de Juliette Landry, spécialiste Biodiversité au sein de l’Iddri et présente à Montréal, au Canada, depuis le début de la COP15. "Il s’agit des cibles les moins controversées sur la mobilisation des ressources non financières, les connaissances traditionnelles, la participation des populations autochtones, le genre ou encore l’augmentation des espaces verts et bleus en ville", détaille-t-elle lors d’un point presse.

Cinq à six autres objectifs seraient également sur la bonne voie. Mais une dizaine d’autres concentre encore de nombreuses difficultés. Il s’agit des cibles concernant le financement Nord-Sud, l’objectif de protéger 30% des terres et des mers à l’échelle de la planète ou encore la réduction des pollutions ou le lien entre biodiversité et climat. "On est rentrés dans une logique de consensus notamment sur les aspects techniques avec pas mal d’éléments qui seront décalés à la COP16, qui se tiendra l’an prochain en Turquie. Il y a une envie de trouver un langage qui corresponde aux différentes positions mais on reste parfois bloqués sur des considérations très détaillées qui prennent énormément de temps", raconte la chercheuse.

"Les pays du Sud n’accepteront pas des ambitions fortes sans des financements correspondants"

Sur la question des financements, qui cristallise sans surprise les débats, le Brésil a réitéré, au nom du continent africain et de 14 autres pays, dont l’Inde et l’Indonésie, leur demande de "subventions financières d’au moins 100 milliards de dollars par an ou 1% du PIB mondial jusqu’en 2030". Une augmentation jugée irréaliste par les pays riches, alors que l’aide au développement dédiée à la biodiversité en 2020 représentait 10 milliards de dollars. 

"Si aujourd’hui on est à 10 milliards, parler de 100 milliards d’un coup tétanise la conversation", prévient l’ambassadrice française à la COP15, Sylvie Lemmet, alors que les pays riches ont tenu leurs engagements de doubler l’aide au développement dans la décennie précédente. Un certain nombre de pays demande en outre la création d’un fonds ad hoc biodiversité, en parallèle du Fonds pour l’environnement mondial (FEM), car celui-ci financerait davantage les grands pays émergents que les petits pays. Mais l’Union européenne notamment s’y oppose.

"Au sein de l’Iddri nous n’y sommes pas non plus favorables car nous pensons que la multiplication des guichets ne va pas simplifier l’accès aux financements des porteurs de projets. En tout cas, on voit très clairement se dessiner une ligne de faille sur cette question, avec des pays du Sud qui n’accepteront pas de s’engager sur des ambitions fortes sans des financements correspondant en face", résume Sébastien Treyer, directeur général de l’Iddri.

La Chine, présidente de la COP15, jugée trop "attentiste"

Outre les objectifs, le cadre de transparence constitue également un élément décisif des discussions. Car de l'avis général, l'absence de véritables mécanismes d'application et de révisions des engagements a joué un rôle majeur dans l'échec du pacte décennal précédent, adopté en 2010 à Aichi au Japon et dont presque aucun objectif de sauvegarde des écosystèmes n'a été atteint. "Si les objectifs de biodiversité sont la boussole, la mise en œuvre est le véritable navire pour nous y conduire", abonde Li Shuo, conseiller chez Greenpeace.

Or le texte actuel sur la biodiversité "exhorte" seulement les pays à tenir compte d'une évaluation mondiale prévue dans quatre ans. Sans engagement sur un éventuel effort national si jamais la trajectoire n'était pas tenue. "Il y a eu quelques avancées", nuance toutefois Juliette Landry, soulignant que les pays ont pour la première fois adopté des tableaux de planification et de compte-rendu communs, qui permettront une évaluation et des comparaisons entre eux.

Pour lever les obstacles, les yeux sont tournés vers la Chine, présidente de la COP15. Jugée trop "attentiste" ou "passive" dans les couloirs du sommet, on s’attend à ce qu’elle joue un rôle plus actif cette semaine. "Nous n’avons aucune visibilité sur ce que prépare la présidence chinoise. Est-elle en train de travailler sur un texte préparé en amont avec d'autres pays ?", s'interrogent les experts de l’Iddri. Une critique balayée par l’ambassadrice française, qui salue une "présidence chinoise très impliquée", "à l’écoute des parties" et qui "s’engage bilatéralement". Une nouvelle plénière est prévue samedi 17 décembre, et un accord final est attendu avant lundi 19 décembre.

Concepcion Alvarez @conce1 avec AFP


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