Publié le 12 janvier 2024
Une nouvelle inquiétante. Un ours polaire vivant près d’Utqiagvik, dans l’extrême nord de l’Alaska, aux États-Unis, est mort de la grippe aviaire en octobre dernier. C’est ce qu’a confirmé le vétérinaire officiel de l’État fin décembre, précisant également qu’il s’agissait du "tout premier cas rapporté d’ours polaire" à succomber au virus H5N1, dont la souche en circulation actuellement est hautement pathogène.

La liste des animaux touchés par le virus de la grippe aviaire ne cesse de s’allonger. Après avoir décimé des milliers d’oiseaux et de mammifères marins au large de l’Antarctique, le virus sévit désormais en Alaska. Le Département de la conservation de l’environnement de l’État américain vient de confirmer après autopsie qu’un ours polaire a bel et bien succombé au virus H5N1, fin octobre.
"C’est le premier cas d’ours polaire signalé" dans le monde, a expliqué le vétérinaire de l’État Bob Gerlach à nos confrères de l’Alaska Beacon. Et cette nouvelle inquiète fortement les scientifiques car l’ours polaire est répertorié comme espèce "vulnérable" depuis 2008 sur la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), et ce principalement en raison de la fonte de la glace.

Double peine pour les ours polaires, déjà victimes du changement climatique


Les ours blancs se nourrissent habituellement de phoques. Or, avec le recul de la banquise en raison du changement climatique, certains plantigrades ont été amenés à diversifier leur alimentation. Et dans le cas présent, il se peut que l’animal se soit nourri de carcasses d’oiseaux infectés par le virus H5N1."Nous avons détecté des oiseaux porteurs du virus de la grippe aviaire dans le secteur. Alors nous pensons que l’ours s’est aventuré sur les terres et s’est probablement nourri d’oiseaux mourants ou morts, et a été exposé [au virus] de cette manière", a précisé Bob Gerlach. En effet, car "si un oiseau meurt de cette maladie, le virus peut se maintenir pendant un moment dans l’environnement, d’autant plus s’il y fait froid", explique-t-il.
Il est d’ailleurs possible que davantage d’ours soient morts de la grippe aviaire, mais que cela se soit passé de manière inaperçue puisqu’ils ont tendance à vivre dans des endroits isolés et peu fréquentés, ajoute le scientifique américain. Apparue en 1990 en Asie, la grippe aviaire est un virus qui touchait essentiellement les volatiles, et qui changeait très peu d’hôtes. Mais le développement de l’élevage intensif a changé la donne et a accéléré la prolifération de la maladie. 

Un virus qui se propage jusqu’aux confins de la planète


Au-delà de la contamination des oiseaux domestiques, c’est la mortalité massive des oiseaux et mammifères sauvages qui inquiète les experts. L’épidémie de grippe aviaire actuelle – qui a débuté en 2020 – a déjà tué des millions d’oiseaux sauvages et tous les recoins de la planète, même les plus reculés, sont désormais frappés. Après l’Europe, l’Amérique, le virus H5N1 a atteint l’Antarctique en fin d’année 2023, alors que ce continent blanc avait été jusqu’à présent préservé.
"Cela s’est produit en Antarctique, et maintenant chez les mammifères de l’Extrême-Arctique, c’est horrible", a déploré auprès du Guardian Diana Bell, professeure émérite de biologie de la conservation à l’Université d’East Anglia, en Angleterre. "Et pourtant je ne suis pas surprise : ces dernières années, la liste des mammifères tués est devenue énorme. Il ne s’agit plus seulement d’une maladie des volailles", réagit-elle. Et rien qu’en Alaska, le virus a été déjà infecté des ours bruns et noirs, des goélands, des colverts, des aigles, des gibiers d’eau, ainsi que des pygargues à tête blanche.
Toutefois, "lorsque ça frappe une espèce charismatique comme l’ours polaire, les gens s’assoient soudainement et écoutent, du moins j’espère qu’ils le feront", témoigne cette chercheuse anglaise qui n’hésite pas à pousser la comparaison de cette "pandémie pour la biodiversité" avec celle du Covid-19 que le monde vient de traverser. Et certains scientifiques affirment qu’il pourrait s’agir de "l’une des plus grandes catastrophes écologiques des temps modernes", si le virus venait à contaminer les colonies de manchots.
Blandine Garot

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