Publié le 19 mars 2018

ENVIRONNEMENT

60 % des sols sont fortement dégradés et mettent en péril la biodiversité de la planète

Samedi 17 mars s’est ouvert la sixième session de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), une sorte de Giec du vivant sur la Terre. À cette occasion, plus de 750 experts vont étudier un travail inédit et alarmant sur la dégradation des sols de la planète. Ceux-ci accueillent 25 % de la vie sur Terre.

25 % de la biodiversité est dans les sols, or 60 % d'entre eux sont dégradés.
@Sung Yoon Jo

Du 17 au 24 mars, se tient la sixième séance plénière de Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques, désignée sous l’acronyme IPBES et créée en 2012. À cette occasion, les scientifiques, experts et décideurs de 128 pays se réunissent au chevet de la biodiversité. Une urgence alors que la planète vit une extinction massive des espèces. Ce forum se tient à Medellin en Colombie. Son objectif est d'évaluer les dégâts sur la faune et la flore et de préconiser des solutions pour enrayer la tendance.

La grande originalité de ce sommet est la parution le 24 mars d’un rapport d’une ampleur inédite sur la dégradation des sols à travers la planète. Le premier grand travail international sur le sujet. "C’est un domaine d’étude qui peine à émerger dans les débats, en dehors des travaux de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) et du GIEC. Mais il n’est étudié qu’à travers le prisme du climat", déplore Hélène Soubelet, directrice de la FRB. Or, elle rappelle que les agressions sont multiples : érosion, tassement, désertification, acidification…

Un facteur de migration

Si les grands résultats sont encore sous embargo, les premiers chiffres font froid dans le dos. Un tiers des sols de la planète sont "de moyennement à fortement dégradés, et donc inutilisables pour l’agriculture". Plus généralement, 60 % sont en mauvais état. Or, notre sous-sol abrite 25 % de la biodiversité de la planète à travers des bactéries, des champignons, des vers, des insectes, des acariens… "Il faut un changement fondamental des pratiques (…), par exemple le labour est une activité très destructrice contrairement à ce que nous avons imaginé pendant des générations. Il conduit à avoir un substrat mort", explique Hélène Soubelet.

Le rapport alerte, au niveau mondial, sur une baisse de fertilité et une baisse des rendements agricoles, due à la baisse de biodiversité des sols. "Cela représente un coût de 40 milliards de dollars par an aujourd’hui et ce chiffre va aller en s’aggravant rapidement", assure la FRB. De plus, ces dégradations, comme le changement climatique, sont un facteur de migration important. Aujourd’hui, 1,5 milliard de personnes vivent sur des terres fortement dégradées. Parmi eux, il est estimé que 26 % vont devoir migrer en raison des récoltes de plus en plus mauvaises.

La France envoie une délégation d’une trentaine d’experts à Medellin. "De la même manière que l’a eu le Giec pour le climat, nous espérons avoir un impact rapide sur les décideurs de la planète", explique Jean-François Silvain, président de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB). La mission des envoyés tricolores est "de s’assurer que le message de la France soit bien dans le rapport final", explique Agnès Halloserie, secrétaire scientifique du comité français pour l’IPBES.

La moitié des espèces en danger

"La France veut pousser cette politique de biodiversité loin et que ce soit un socle minimal pour les négociations à venir", ajoute l’experte. L’enjeu est aussi politique. Paris, à l’instar des autres pays membres, refuse que les rapports finaux mentionnent des solutions réprouvées par la France. À titre d’exemple, la protection de la biodiversité nécessite de diminuer l’emploi de pesticides. Pour certains, l’alternative la plus simple est l’emploi d’organismes génétiquement modifiés, une solution que la France rejette.  

Quelques jours avant la réunion de l’IPBES, le fonds mondial pour la nature (WWF) a publié une étude alarmante sur la biodiversité, en collaboration avec les universités d'East Anglia (Royaume-Uni) et James-Cook (Australie), alarmante. Selon cette dernière, à +4,5°C de réchauffement par rapport à la Révolution industrielle, 48 % des espèces seraient susceptibles de disparaître au niveau local. Ce risque est seulement divisé par deux si la hausse de la température moyenne était contenue à +2°C, limite fixée dans l'accord de Paris adopté en 2015.

Ludovic Dupin, @LudovicDupin


© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

ENVIRONNEMENT

Biodiversité

Préserver la diversité des écosystèmes est indispensable pour gérer durablement les ressources de la planète. Quelles doivent être les conditions d’utilisation de ces ressources ? Peut-on breveter des plantes et pour quels usages ? Autant de questions posées au secteur cosmétique et pharmaceutique.

Protestation contre chalutiers geants ONG Bloom FRED TANNEAU AFP

Après les jets privés, un compte Twitter traque les méga-chalutiers qui épuisent les ressources

L’association de défense des océans Bloom vient de lancer Trawl watch, un compte Twitter permettant de suivre les pratiques des chalutiers dans les eaux françaises. Sur le modèle des comptes traquant les déplacements en jet privés, l’ONG espère braquer les projecteurs sur les impacts controversés de...

IStock @ratpack223 exploitation minière abysse océan fonds marin

Accord historique pour protéger la haute mer : pourquoi c'était inespéré après 15 ans de négociations

Les États membres de l'ONU se sont enfin mis d'accord sur le premier traité international de protection de la haute mer. Les négociations lancées il y a une quinzaine d'années ont abouti dans la nuit de samedi à dimanche 5 mars. Le texte, qui se veut contraignant, prévoit la création d'aires marines...

Laboratoire scientifiques pesticides tests autorisation iStock

L’État attaqué sur la toxicité des pesticides : "Nous sommes les cobayes de l’industrie"

Nouveau recours contre l'État. Une trentaine d'organisations et 28 députés ont saisi jeudi 2 février le Conseil d'État afin d'ordonner au gouvernement de respecter la règlementation européenne en matière d'évaluation des pesticides. Celle-ci exige de prendre en compte la toxicité de l'ensemble des...

Exploitation fonds marins moratoire Campagne Serpentine 2007 IFREMER VICTOR

La France, porte-voix d’un moratoire contre l’exploitation des fonds marins dans les eaux internationales

Mardi 17 janvier, les députés ont adopté à la majorité absolue une résolution visant à défendre un moratoire contre l’exploitation des fonds marins dans les eaux internationales. Une activité qui n’est pas aujourd’hui réglementée et qui fait l’objet d’un vif intérêt en raison des métaux contenus...