Publié le 06 septembre 2017
ENVIRONNEMENT
Le gouvernement veut manger les marges des industriels et distributeurs pour financer la bio
Et si les distributeurs et industriels aidaient financièrement les producteurs bio ? L’idée ne vient pas d’associations mais du ministre de l’Agriculture en personne. Stéphane Travert souhaite créer un fonds privé dédié à l'alimentation bio, alimenté par une partie des marges de ces deux secteurs. "Ce n'est pas au privé de combler les défaillances de l'État", estime la FNAB, Fédération nationale de l'agriculture bio.

Bonne ou mauvaise idée ? Interrogé le 29 août sur RTL, Stéphane Travert a indiqué vouloir créer un fonds privé dédié à la bio. "Cela peut être par exemple le fait qu’un industriel ou un distributeur sur un temps donné rogne sur une partie de sa marge pour créer ce fonds spécifique", a-t-il expliqué, "ces contributions seraient ensuite redistribuées, par exemple, par un acteur public à des bénéficiaires qui, aujourd’hui, veulent faire émerger une filière en agriculture biologique".
Une annonce qui survenait le jour de la publication d’une étude de l’UFC-Que choisir montrant que les marges des enseignes de la grande distribution. Selon l'association de consommateurs, les marges sur les fruits et légumes bio sont 96 % plus élevées que dans le conventionnel.
Interrogé par Novethic, le ministère n’a pour l’instant pas précisé si cette baisse de marge des industriels et distributeurs serait volontaire, ni vers qui, spécifiquement, serait distribué l’argent. Mais d’ores et déjà, l’idée n’obtient pas un franc succès.
"Ce n’est pas au privé de combler les défaillances de l’État"
"S’il s’agit de structurer les filières bio locales et équitables, pourquoi pas", explique à Novethic Stéphanie Pageot, présidente de la FNAB, Fédération nationale d’agriculture biologique, "mais s’il s’agit de se substituer à l’État, non merci !"
Il faut dire que depuis la nouvelle répartition des aides de la PAC (Politique agricole commune), la colère gronde du côté des agriculteurs bio. Le 27 juillet, Stéphane Travert a annoncé que 4,2 % du pilier 1 de la PAC, essentiellement composé d’agriculteurs conventionnels céréaliers, serait redistribué au pilier 2, comptant les petites exploitations de zones défavorisées et les agriculteurs bio. Or, les producteurs bio demandaient 15 % de transfert du budget du pilier 1 vers le 2.
Les industriels attendent les États généraux pour se prononcer
Quant au paiement des aides à l’agriculture biologique, ils ont déjà deux années de retard. "C’est la responsabilité de l’État de gérer la protection des biens publics. Ce n’est pas au privé de combler les défaillances du système", estime Stéphanie Pageot.
L’ANIA, l’Association Nationale des Industries Alimentaires, préfère elle esquiver le débat en insistant surtout sur le dialogue entre tous les acteurs de la filière lors des États généraux de l’Alimentation. Un événement qui s’annonce pourtant mal tant les clashs entre les parties prenantes s’intensifient depuis l’affaire du fipronil.
C'est du côté de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) que l'on trouve le soutien le plus direct à la proposition du ministre de l'Agriculture. Lors de sa conférence de rentrée, la présidente Christiane Lambert réagissait à l'étude de l'UFC-Que choisr : "Des décisions politiques doivent être prises sur le financement de la bio. Ce n'est pas anormal que les produits bio coûtent trois fois plus cher que les produits conventionnels. La vraie question est de savoir à qui va cette marge !".
Marina Fabre @fabre_marina