Publié le 21 janvier 2020
ENVIRONNEMENT
La France reste accro aux pesticides après une spectaculaire hausse de leur utilisation en 2018
C'est une hausse exceptionnelle. De 2017 à 2018, l'utilisation des pesticides en France a augmenté de 24 % malgré les promesses de la FNSEA, le principal syndicat agricole, de réduire la dépendance des agriculteurs aux produits phyto. Cette évolution sonne comme un échec pour les pouvoirs publics, qui ont mis des millions sur la table à travers les plans Ecophytos. Les associations, dont Générations futures, demandent de passer à la vitesse supérieure avec, cette fois, des mesures contraignantes.

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Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, aura beau défendre corps et âme la volonté des agriculteurs de réduire leur dépendance aux pesticides, les faits sont têtus et les chiffres ne mentent pas. Selon les nouvelles données publiées par le ministère de l’Agriculture le 7 janvier, l'utilisation de pesticides en 2018 a augmenté de 24 % en un an. Une hausse spectaculaire qui sonne comme un échec des politiques publiques en la matière.
"La politique menée depuis 10 ans ne produit pas les résultats attendus. Il nous faut donner un nouveau souffle, car nous n’avons pas d’autre choix que d’aller vers une société moins dépendante des produits phytosanitaires", a avoué la ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne. "Le modèle agricole en France est arrivé à bout de souffle", a-t-elle tranché. Il faut dire qu’en une décennie l’usage des pesticides en France a augmenté de 25 % alors même que la France a mis en place trois plans Ecophytos successifs et des millions sur la table.
Le temps des mesures contraignantes ?
"Il est maintenant évident que ce plan (Ecophyto II+, datant de 2019, NDR) restera un échec tant que l’État s’en remettra au bon vouloir de la profession agricole pour faire évoluer de manière volontaire ses pratiques", a dénoncé Générations futures. "La période des mesures non contraignantes a vécu et il faut maintenant que l’État fixe des règles beaucoup plus contraignantes", juge l’association.
Si France Nature Environnement explique cette hausse par une plus grande résistance des mauvaises herbes aux pesticides, le gouvernement défend une évolution "liée à une anticipation des achats en fin d’année 2018, en prévision de l’augmentation de la redevance pour pollution diffuse qui taxe les substances les plus préoccupantes au 1er janvier 2019." Surtout, il assure avoir renforcé la protection des riverains grâce à un décret pris fin décembre qui assure une distance d’épandage minimale par rapport aux habitations de 5 à 10 mètres selon les types de cultures. On est bien loin des distances de 100 à 150 mètres réclamaient par les maires de plusieurs villes.
PAC : l'agriculture intensive sous perfusion
Pour les pesticides les plus dangereux, la distance a été fixée à 20 mètres. Mais là aussi, c’est la déception pour les défenseurs de l’environnement. Car les pesticides qui présentent une "toxicité quasi avérée pour l’Homme" sont peu nombreux. Ils ne représentent que 0,3 % des produits phytosanitaires, rappelle Le Monde. Le glyphosate par exemple, herbicide très controversé, ne fera pas partie de cette short list.
Plus globalement, les associations environnementales et plusieurs syndicats d’agriculteurs comme la Confédération paysanne prônent une modification d’ampleur de la Politique agricole commune (PAC) pour sortir de la dépendance aux pesticides. Le New York Times vient d’ailleurs de publier une longue enquête sur le sujet. Au-delà de la captation frauduleuse du foncier, le journal américain montre que les plus gros bénéficiaires de la PAC sont aussi les plus pollueurs. Aussi, les journalistes ont révélé que les zones d’eaux les plus polluées en nitrate, un composant issu de l’élevage intensif et utilisé également sous forme d’engrais, étaient corrélées aux zones recevant le plus de subventions de la PAC.
Marina Fabre, @fabre_marina