Publié le 10 mai 2017
ENVIRONNEMENT
"C'est qui le patron?!" : quand les consommateurs décident du prix juste
Six mois après sa création, la marque des consommateurs "C’est qui le patron?!" a transformé l'essai. 10 millions de litres de son lait équitable, dont le prix est défini par les consommateurs pour offrir une rémunération juste aux producteurs, ont été vendus. Fort de ce succès, la marque lance un jus de pomme et des pizzas.

DR
La qualité avant le prix, cela fonctionne ! La preuve : il y a six mois, la marque des consommateurs "C’est qui le patron?!" lançait sa propre brique de lait équitable. La première dont le prix et les critères de fabrication ont été entièrement fixés par les consommateurs. Sur Internet, ils sont près de 10 000 à avoir voté pour un lait français, sans OGM, développé dans une démarche responsable et rémunéré au prix juste pour le producteur. Vendu 99 centimes, soit 8 centimes de plus qu’une autre marque, il permet aux producteurs de dégager des bénéfices.
Depuis, 10 millions de litres ont été vendus. Un chiffre explosant les attentes de la petite marque et représentant, pour l’instant, 0,57% de la consommation de lait en France sur un an. Preuve que "les consommateurs ne veulent pas uniquement le plus bas prix. Il y a un équilibre à trouver", affirme Nicolas Chavanne, un des initiateurs du projet et responsable de l’association les Gueules cassées, valorisant les produits ayant des défauts d’aspect. "On se rend compte que la qualité ne coûte pas cher, seulement quelques centimes de plus. Au final, cela revient à un ajout de 4 à 5 euros annuel par Français", explique-t-il.
De plus en plus de distributeurs s'y mettent
Carrefour a été la première enseigne de grande distribution à s'y mettre. Et le succès a été au rendez-vous. Par exemple, au Carrefour d'Ecully (Rhône), le lait "C'est qui le patron?!" a connu l'une des plus fortes progressions de vente. Depuis, Auchan, Intermarché et Colruyt ont emboîté le pas. Dans quelques semaines, ce sera le tour de Lidl, Casino et Cora.
Face à l’adhésion des consommateurs, deux nouveaux produits sont arrivés dans les rayons de Carrefour : le jus de pomme et la pizza. Les 20 000 internautes ont choisi un jus de pomme écoresponsable, non filtré, français et qui permet au producteur d’être convenablement rémunéré. Le prix est de 1,62 euros par litre.
"On arrive à mieux équilibrer nos comptes"
Cette fois, la demande vient d’abord des producteurs alsaciens. "Cela fait trois ans que l’on rencontre des difficultés. Certaines exploitations menacent de fermer car le prix de la pomme est trop bas. Les dernières années ont été compliquées entre le gel, la sécheresse... C’est encore plus difficile pour ceux qui sont en monoculture", témoigne Timothée Rothgerber, gérant d’une ferme fruitière dans le Bas-Rhin. "On a vu le succès de la brique de lait, on s’est dit qu’on pouvait avoir la même démarche sur le jus de pomme", explique Daniel Dettling, président de l’association de Production fruitière intégrée d’Alsace et producteur à Westhoffen.
Et pour fabriquer ces jus de pommes, les producteurs utilisent ce qu'ils appellent des "pommes moches", celles qui ne peuvent être vendues. "La plupart finissent à la poubelle", explique Daniel Dettling, "ou sont vendues à 8 centimes le kilo". Avec la marque des consommateurs, le prix a plus que doublé pour atteindre 19 centimes. "Cela permet de valoriser nos 10% de pertes. On arrive à mieux équilibrer nos comptes", assure le producteur.
Traçabilité et transparence
Pour assurer une transparence et une traçabilité des produits, plusieurs contrôles sont effectués par les groupements de producteurs, des experts indépendants mais aussi les consommateurs. "On va mettre en place des tests de plusieurs niveaux. Notamment dans le lait, pour voir s’il n’y a pas d’OGM", explique Nicolas Chavanne.
Dans le cas d'un autre produit, la pizza "C'est qui le patron?!", tout juste lancé, le produit doit être composée de fromages labellisés (Comté AOP, Raclette et Emmental Label Rouge), de purée de tomates d'origine France ou encore de farine française. "Les consommateurs ont été choqués par le scandale de la viande de cheval dans les lasagnes. Ils veulent savoir ce qu’il mange, d’où cela provient, qui le produit et comment".
Deux nouveaux produits sont en cours d’élaboration : le beurre bio et la compote de pommes. De nombreux autres seront bientôt dans les rayons, comme la crème fraîche, des pâtes ou encore des steaks haché. L'objectif est que chaque grande famille de produits possède son équivalent dans la marque des consommateurs.