Publié le 06 février 2017
ENVIRONNEMENT
Agriculture bio : "entreprendre pour répondre aux besoins essentiels"
Répondre aux besoins primaires avant d’en créer d’autres. C’est la devise de Maxime de Rostolan. Ce "payculteur" comme il dit, prône une nouvelle vision de l’entreprenariat. Un retour aux fondamentaux, qui reposent sur trois piliers : le capital naturel, social et financier. Entretien.

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Novethic. Qu'est-ce qu'un payculteur ?
Maxime de Rostolan. Un payculteur, c’est un entrepreneur du territoire. Je suis parti d’un constat : il y a une forte demande de produits bio locaux, mais peu de projets émergent. C’est très compliqué de faire sortir des fermes de terre. Je voulais donc aider à dupliquer des fermes biologiques qui fonctionnent, comme celle du Bec Hellouin.
J’ai identifié un maillon manquant à l’émergence de ces fermes : un entrepreneur, un chef d’orchestre de projets alimentaires territoriaux. Le payculteur relie l’amont et l’aval de la filière, met en lien les bénéficiaires de cette production avec les financeurs, etc.
Pour bien comprendre le mécanisme de développement de ces fermes, j’ai créé une micro-ferme près de Tours. Le but : montrer que l’agriculture biologique est plus rentable que l’agriculture conventionnelle. En parallèle, j’ai monté Blue Bees, une plateforme de financement participatif dédiée à l’agroécologie, et lancé Fermes d’avenir, une association qui promeut la permaculture.
"Il nous reste 20 ans pour changer le monde"
En quoi la vision que vous portez est différente de celle de l’entreprenariat traditionnel ?
Notre carburant n’est pas la recherche de rentabilité, mais l’envie de répondre aux besoins essentiels. Bien sûr il nous faut un modèle économique viable, et nous sommes à l’équilibre, mais il faut nous replacer dans une perspective de développement durable. Ce que je fais se construit autour des trois seuls capitaux à préserver et à faire croître : le capital naturel, le capital social et le capital financement.
Ma vision est durable et globale. Un agriculteur n’est pas seulement là pour produire de la nourriture. Il préserve la biodiversité, entretient la qualité de l’eau, séquestre du carbone, façonne le paysage, etc. C’est une comptabilité mutante : il faut intégrer toutes les externalités positives induites par l’activité.
Finalement, on construit un modèle à partir du local, mais qui peut être duplicable, qui est robuste et qui produit de l’emploi. Six fois plus que dans l’agriculture conventionnelle.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?
Financières. La conjoncture n’est pas du tout favorable à des dynamiques qui reposent sur le capital naturel, qui le préservent et le régénèrent. Il faut de toute urgence renverser cela. Dans mon domaine, c’est d’autant plus difficile que les lobbystes de l’agro-industrie sont très puissants.
Les nouveaux entrepreneurs ou les nouvelles dynamiques ne doivent pas non plus se concurrencer. Il faut une coopération forte pour faire front au modèle dominant.
Enfin il y un vrai enjeu d’urgence. Il faut passer la seconde, la troisième et la quatrième. Il nous reste 20 ans pour changer le monde. Les entreprises ont un rôle à jouer. Elles sont indispensables si on veut acter le changement de modèle et de paradigme.