Il aura fait couler beaucoup d’encre. Le rejet, à 54%, de la rémunération de Carlos Ghosn, le patron de Renault, est une première en France depuis la mise en place du "say on pay" par le code Afep-Medef en 2013.
Bien que purement consultatif, ce vote a entraîné une réaction immédiate de la société civile et du gouvernement. Un amendement a ainsi été introduit dans le cadre de la loi Sapin 2 et adopté par les députés la semaine dernière. Il rend le vote des actionnaires contraignant pour tous les "éléments de rémunération d’activité" et "avantages de toute nature liés à l’activité" des présidents, directeurs généraux et directeurs généraux délégués.
Mais la question des rémunérations a-t-elle cristallisé la contestation des actionnaires au sein des autres AG ? Selon le bilan que dresse Capitalcom, publié le 14 juin et portant sur 33 AG du CAC40, il apparaît au contraire que le vote des résolutions "say on pay" a augmenté. Il est de 89,3% cette année contre 85,8% en 2015. Toutefois, ce score a reculé dans un tiers des entreprises par rapport à l’année précédente.
Présenter la politique de rémunération à venir
"On s’aperçoit que les ‘say on pay’ les plus élevés ont lieu dans les entreprises qui arrivent à corréler l’évolution de la rémunération des dirigeants avec les bons résultats de l’entreprise", commente Michael Duval, consultant chez Capitalcom. Ainsi, les groupes sont de plus en plus nombreux – 3 sociétés sur 5 en 2016 – à présenter le taux d’atteinte des critères de performance de la rémunération des dirigeants. Une pratique quasi inexistante les années précédentes.
Autre tendance émergente, la communication par les entreprises de leur politique de rémunération pour l’exercice à venir. Axa, Engie, Michelin, Total et Unibail-Rodamco se sont par exemple prêtés au jeu cette année. "Cela permet aux actionnaires d’être dans une démarche d’opposabilité à ces critères et oblige l’entreprise à s’engager, poursuit Michael Duval. Il n’est pas impossible que cette pratique se généralise à l’avenir."
La résilience climatique comme levier de performance
Outre les rémunérations, le climat a également largement été évoqué cette année en AG, au lendemain de la COP21 (voir notre kit climat). Les dirigeants sont revenus sur la contribution de l’entreprise au succès de la COP21 ou leur stratégie d’adaptation au changement climatique dans 2 AG sur 3. La saison a d’ailleurs été marquée par un fort activisme sur le sujet, de la part des associations, mais aussi des investisseurs. Total a ainsi été contraint de présenter sa stratégie climat en assemblée.
Sujet incontournable depuis 2008-2009, le climat et plus largement la responsabilité sociale des entreprises (RSE) ont cette fois été abordés comme un levier de performance économique sur le long terme. 3 AG sur 5 ont mis en avant les atouts d’un modèle d’affaires responsable pour se différencier face à la concurrence et anticiper des contraintes réglementaires. "Alors que le sujet était auparavant vécu comme une contrainte, l’engagement responsable est désormais présenté comme créateur de valeur pour l’entreprise et ses actionnaires", précise Michael Duval.
La digitalisation du travail dépasse celle des produits
Autre thématique forte des AG 2016 : le digital. 27 entreprises sur 33 ont fait un travail de décryptage sur la façon de s’adapter à cette problématique. Mais le discours là aussi a changé. "Alors qu’il y a trois ans, on se concentrait sur le digital côté consommateur et côté produit, aujourd’hui, l’organisation s’interroge sur son évolution en interne pour intégrer cette dimension et attirer les meilleurs talents sur le sujet", commente Michael Duval de Capitalcom.
5 AG ont ainsi fait un focus sur la relève et la nouvelle génération. AccorHotels s’est par exemple distingué en faisant intervenir le représentant du Shadow Comex du groupe, un groupe de salariés trentenaires chargé de challenger les analyses du vrai Comité exécutif.
La digitalisation passe également par les outils mis à la disposition des actionnaires (rapports interactifs, vote sur Internet…). Mais nous sommes encore loin de la digitalisation totale telle qu’elle se pratique outre-Atlantique, où 90 entreprises, dont HP, Intel ou Paypal, ont déjà rassemblé leurs actionnaires de façon intégralement dématérialisée en 2016.
La parité reste une histoire de seuils
C’est enfin un sujet sur lequel les entreprises progressent peu à peu : la féminisation des conseils d’Administration boostée, notamment par l’échéance fixée par la loi Copé-Zimmermann. Cette année, 6 nouveaux administrateurs sur 10 étaient des femmes. Mais rares – seule 1 sur 5 – sont les entreprises qui motivent le choix des profils retenus. Parmi les meilleures élèves, Sanofi, Capgemini ou LVMH ont misé sur un profil d’administratrice internationale avec une forte sensibilité dans le digital, une thématique clé de la saison.
Pour 2017, Capitalcom s’attend à voir la représentation des salariés en AG davantage prise en compte. Si leurs interventions sont encore très rares, leur expertise pourrait s’avérer précieuse pour l’entreprise, estime Michael Duval.