Publié le 21 novembre 2019
ENTREPRISES RESPONSABLES
La rémunération des dirigeants, de plus en plus basée sur des critères extra-financiers, reflète une entreprise qui change
La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est de plus en plus prise en compte dans la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, selon une étude du cabinet Deloitte. C’est vrai pour la France, mais aussi ailleurs dans le monde. Cela prouve l’ancrage des questions environnementales et sociales dans la stratégie des entreprises.

@PrettyVectors
C'est une tendance de fond. Les dirigeants d’entreprises voient de plus en plus une partie de leurs rémunérations liées à des critères extra-financiers. Depuis plusieurs années, en France, les grandes entreprises intègrent intègrent au moins un critère RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) dans la rémunération variable annuelle de leur mandataire social. En 2018, c'était le cas pour 80 % du SBF 120 (les 120 plus grosses entreprises cotées).
Mais ces dernières années, cela concerne également les rémunérations de long terme (stock-options, actions de performance …). L'an passé, 30 % du CAC 40 a ainsi intégré des critères RSE dans les plans d’intéressement de leurs dirigeants. Un pourcentage loin d’être anodin quand l’on sait qu’en moyenne, la rémunération d’un dirigeant du CAC40 est réparti à 25% sur le salaire de base, 30% sur le bonus et 45% via un plan d’intéressement à long terme. Et ces critères RSE, qui vont du taux de mixité à l’empreinte carbone en passant par la note ESG globale ou l’intégration à des indices extra-financiers type DJSI (Dow Jones Sustainable Index), peuvent compter pour 20 à 40% du total.
Un signe de maturité
Cela témoigne d'un alignement de la gestion des ressources humaines sur la stratégie d'entreprise plus responsable. Pour Franck Chéron, associé chez Deloitte et auteur d’une étude sur la rémunération des dirigeants français (1), "Il ne suffit plus de cocher la case RSE. Les mandataires sociaux sont désormais jugés sur la mise en place des actions. C’est un signe de maturité".
Le mouvement est largement encouragé par la remise en cause d’une entreprise entièrement vouée à la satisfaction des actionnaires, la montée en puissance du concept de raison d’être, de celui d’entreprises contributives. Plus largement, il s'agit de marquer les défis environnementaux et sociaux que doivent relever les entreprises.
Les polémiques, liées à des rémunérations excessives (Carlos Ghosn pour l’Alliance Renault-Nissan) ou décorrélées des performances (indemnités de départ de Georges Plassat, ex-PDG de Carrefour alors en plan de restructuration), ont également laissé des traces. Et le "Say on pay", qui impose une plus grande transparence sur les rémunérations des dirigeants, joue son rôle. Les agences de conseils en vote intègrent d’ailleurs de plus en plus cette dimension dans leurs recommandations.
Un changement mondial
C’est aussi l’impact des sujets ESG sur les affaires qui est ainsi reconnu, et ce au niveau mondial. En 2018, 500 grandes entreprises - beaucoup d’origine européenne - lient la rémunération de leurs dirigeants à des critères ESG, souligne Bloomberg dans un article titré: "Pour ralentir le changement climatique, payons les PDG à protéger la nature" .
Nombre d'entreprises par secteur intégrant des critères ESG dans la rémunération des dirigeants
Selon la Transition Pathway Initiative, 107 des 308 grandes entreprises des secteurs les plus intensifs en carbone lient désormais les rémunérations de leurs dirigeants à la performance climatique, parfois sous la pression des actionnaires. C’est le cas de cinq des sept majors pétrolières : Shell, ConocoPhillips, Eni, ExxonMobil et Total. Les groupes miniers, comme BHP, sont également aux avants postes sur le climat, la sécurité, l’environnement et l’acceptabilité. Autant de conditions sine qua none pour exercer leurs activités. Par exemple, Cameco Corp, l’une des plus grandes entreprises d’uranium au monde, lie 40 % des bonus annuels de ses dirigeants à ce type de mesures.
À terme, la RSE devrait ainsi prendre de plus en plus de place dans la rémunération des dirigeants. Et pourquoi pas 100 % ? "Cela ferait sens pour certaines entreprises, par exemple dans la transition énergétique", estime Franck Chéron. Nous en sommes encore loin mais cela avance.
Béatrice Héraud @beatriceheraud
(1) L’étude Deloitte