Depuis trois ans, les grandes entreprises françaises doivent publier et mettre en œuvre un plan de vigilance pour prévenir les violations aux droits humains et à l’environnent dans leur chaîne de valeur. Pourtant, selon Sherpa et le CCFD-Terre solidaire, près d’un quart des entreprises concernées ne respectent pas la loi. "Compte tenu de ce que nous avons constaté depuis la pandémie notamment dans le secteur textile, nous considérons que les aides d’État versées aux entreprises via les mesures de chômage partiel ou prêts doivent être conditionnées au respect de cette loi", explique Swann Bommier, chargé de plaidoyer pour la régulation des entreprises multinationales au CCFD-Terre solidaire.
Des amendements dans le Projet de loi de finances rectificative
Les ONG ont l’appui de plusieurs députés socialistes, France Insoumise ou Écologie, démocratie Solidarité (EDS) comme Dominique Potier (PS), ex-rapporteur de la loi sur le devoir de vigilance de 2017. "Le principe général est simple : si nous voulons réellement un plan de relance intégrant les dimensions environnementales et sociales alors les entreprises qui bénéficient d’aides ne peuvent s’exonérer d’une obligation aussi essentielle que celle du devoir de vigilance qui va s’étendre au niveau européen", estime le député qui portera des amendements en ce sens lors de l’examen du Projet de loi de Finances rectificatives (PLFR3) ce lundi 29 juin en plénière.
Parmi les entreprises visées : McDonald’s France, EuroDisney ou Castorama… Mais pointer du doigt des entreprises n’est pas si simple car il n’existe aucune liste officielle des entreprises concernées, pour des raisons de "secret fiscal et statistique" a assuré Bercy aux ONG. En 2017, le Sénat estimait le panel entre 146 et 243 entreprises. Les ONG le chiffre aujourd’hui à 265, et le détaille sur une plateforme en ligne.
Une liste qui fait encore défaut
La liste des ONG ne fait pourtant pas l’unanimité tant le calcul des effectifs, à la base des critères définis par la loi (1), est complexe et sujet à interprétation. Ainsi McDonald’s par exemple ne s’estime "pas assujetti à la loi" en raison de son statut juridique. "Certaines entreprises ont des montages financiers complexes avec des joint-ventures qui rendent plus compliqué la consolidation des effectifs au niveau global ou des holdings au Luxembourg qui ne nous permettent pas de remonter toute la chaine de valeur", souligne Jean François, juriste chargé de projet pour Sherpa. Dans un rapport sur le suivi de la loi publié en février 2020, le conseil général de l’économie avoue lui-même qu’"aucun service de l’État ne dispose actuellement de l’intégralité des informations nécessaires pour déterminer si la loi s’applique à telle ou telle société", tout en contestant la première liste établie en 2019 par les ONG en raison de "doublons et d’imperfections".
Pour les ONG cependant, ce n’est pas à elles de fournir une liste exhaustive. Elles demandent notamment qu’une instance indépendante soit chargée d’établir cette liste publique, en open data. "Le ministre de l’Économie a insisté sur le rôle de la société civile pour faire respecter la loi, ce que nous faisons avec ce travail et nos enquêtes sur des secteurs spécifiques, mais cela ne doit pas aller jusqu’à la délégation de la responsabilité du suivi de la loi, c’est à l’exécutif de s’en charger", souligne Swann Bommier.
Béatrice Héraud, @beatriceheraud
(1) Selon la loi est concernée "toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en sont sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l’étranger".
Publié le 29 juin 2020
25% des entreprises que les ONG Sherpa et CCFD-Terre solidaire estiment concernées par la loi sur le devoir de vigilance ne publient pas de plan de cartographie et de prévention des risques. Un manquement qui devrait être sanctionné par le non-octroi d’aides d’État, demandent-elles, soutenues par plusieurs députés. Mais, il n’existe aucune liste officielle des entreprises concernées, dénoncent les ONG. Elles estiment que l’État leur délègue le suivi de la loi.
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